Quatuors No 1, 2, 3 et 4 pour cordes et bruitages animaliers

Le Frâjerman String Quartet

par Fabian Faltin le 23/02/2004

Note: 8.0    

Avec des amis comme Michel Houellebecq et Antoine Volodine (dont il s'est inspiré pour ses importantes "Suites" ), le compositeur Denis Frâjerman se trouve en toute apparence très bien intégré dans la culture contemporaine française. Pas de risque donc de l’écraser en lui accolant quelques références supplémentaires.

Il est plus que tentant de comparer la partie "cordes" des "Quatuors pour cordes et bruitages animaliers" de son String Quartet (avec une basse électrique à la place du deuxième violon habituel) au Steve Reich de "New York counterpoint" ou "Violin phase" – un minimalisme rigide mais émouvant, qui donne envie de bouger, de danser même. Ou bien à l' Arvö Part de "Alina", où de grands et même pathétiques gestes mélodiques se trouvent encadrés et mis en question par des séquences de piano monotones et répétitives.

En même temps, dans les mains des Frâjerman, le formalisme souvent austère et mécanique de l’œuvre minimaliste est transformé, subverti, poussé dans une toute autre direction. C’est son goût pour le noir et la décadence, pour l’extase et la sorcellerie qui en est la cause. Beaucoup de ses motifs sont animés d'accélérations soudaines, imprévues et improvisées, qui renvoient aux musiques féroces et nébuleuses de Louis Sclavis, ou à l’appropriation de la musique des Balkans comme elle est pratiquée par Emir Kusturicá ("En hongre altéré") ou Max Nagl (l'excellent "Ramasuri"). Et puis il y aussi des percussions électroacoustiques, une voix mégaphonique et des bruitages animaliers du type bassin amazonien, le tout évoquant l’ombre, la menace du mécanique et de la machinerie, son aspect fantastique et vivant, comme on les retrouve dans les fabuleuses machines de Jean Tinguely.

Voilà pour les références stylistiques, voilà pour l’idée générale. Il reste à dire que dans le détail, Frâjerman est un compositeur peu prévisible, qui reste fidèle à ses bases en les dépassant. Lourd, éclectique et vaguement intellectuel, "Quatuors pour cordes et bruitages animaliers" est un travail surprenant et tout à fait hors du commun, dont l’écoute est conseillée sans réserve.