Les Chaussettes Noires story vol 1 & 2 (Collection Twistin' the Rock vol 5 & 6)

Les Chaussettes Noires

par Francois Branchon le 21/02/2002

Note: 7.0    

Beaucoup auront du mal à le croire, mais c'est vrai : Eddy Mitchell fut un chanteur de rock. Avec son groupe Les Chaussettes Noires (un nom à la con sanctionnant un plan marketing - déjà ! - entre Eddy Barclay et la marque de chaussettes Stemm), ils furent en 1961 les premiers jeunes français à monter un groupe, et par là même un symbole naturel de l'émancipation et de la révolte d'une jeunesse traumatisée (deux ans de service militaire obligatoire, la guerre d'Algérie vient juste de se terminer) et agacée du monopole des chansons de 'tradition française', alors qu'ailleurs... Il est amusant de constater - pirouette de l'Histoire - que les groupes actuels revendiquent cet héritage alors honni. Les Chaussettes sont évidemment fascinées par les USA des fifties, "l'american dream" (l'esthétique "Happy days", les grosses bagnoles, le peigne dans la poche arrière...) et calquent tout sur les pionniers du rock, Elvis en premier lieu : les chansons (beaucoup sont des adaptations en français de hits américains), les attitudes, les fringues, le jeu de scène... Et même si Eddy Mitchell n'a sous la main que la pauvre Dauphine d'une auto-école pour jouer à Elvis vautré sur sa Cadillac rose, il a suffisamment le rock dans la peau pour imiter sans massacrer, mettre en scène sans être ridicule (et aujourd'hui encore, il lui reste cet amour et cette science du 'geste'). Universal France a bien entendu consacré aux Chaussettes Noires une intégrale dans sa collection de rééditions "Twistin' the Rock". Elle est inexplicablement en deux volumes simples séparés, non chronologiques (certains Ep se trouvent splittés entre les deux disques), alors qu'un double album aurait semblé plus cohérent. Au milieu de ces quarante-huit chansons, émerge "Je reviendrai bientôt", une version aux arrangements et rythme curieux de "Willie and the hand jive" de Johnny Otis (mondialement popularisée en 1974 par Eric Clapton), "C'est la nuit" (version française de "The night is lonely" de Gene Vincent), "Quand je te vois" (de "Pretty little angels eyes"), "Tant pis pour toi" ("Wild cat" de Gene Vincent), "Tu parles trop" ("You talk too much" de Joe Jones). Des originaux aussi, des bons "La leçon de twist", "Daniela", "Dactylo rock" ou des mauvais ("Oui chef, bien chef")... Par moments, l'adaptation littérale des textes frôle le risible ("Eddie sois bon" de "Johnny be good"), mais bien que terriblement datées aujourd'hui, ces chansons avaient le mérite d'être du rock'n'roll en français, une performance pas si évidente lorsqu'on considère à posteriori les difficultés des français à faire swinguer leur langue dans la décennie suivante. Les Chaussettes Noires étaient finalement un groupe assez dilettante, qui ne se prenait pas au sérieux, au contraire peut-être de leur chanteur qui les abandonnera assez vite (précipitant leur mort) pour mener la carrière embourgeoisée que l'on sait.