Go ride the music - West pole (Jefferson Airplane, Grateful Dead, Quicksilver Messenger Service, etc...)

Ralph J. Gleason

par Francois Branchon le 09/09/2008

Note: 9.9     

Et une pépite de plus ! Quand on se souvient, petit péquin français dingue de psychédélisme san franciscain, combien on avait peu à se mettre sous la dent pendant des années, à part les disques officiels, des articles de presse écrits par des chanceux "qui étaient là-bas" (et qui rendaient encore plus intenable et frustrante l'absence de sons et d'images) et les quelques pirates - la plupart du temps inécoutables - glanés ici et là, on réalise aujourd'hui qu'une passion pour Jefferson Airplane, Grateful Dead ou Quicksilver Messenger Service se vivait en apesanteur, relevait d'un univers quasi-virtuel : rien à la radio, rien à la télé et bien sûr rien sur scène, car peu venaient jusqu'en Europe, et aucun - à part le Grateful Dead une ou deux fois - n'a daigné jouer en France, trou du cul du monde (rock).

Tel n'était pas le cas à la télévision américaine...
Ralph J. Gleason (1917-1975) est un des grands journalistes américains, le premier à parler du jazz aux blancs, dès 1950. Basé à San Francisco il publie ses papiers dans Downbeat et le "San Francisco Chronicle", produit des concerts, fonde le Monterey Jazz Festival et réalise de nombreux programmes pour la télé publique de l'Etat, notamment une bio filmée de référence sur Duke Ellington. Adepte du métissage, du pont entre les cultures et les styles, il adhère dès 1966 aux mouvements musicaux folk et rock de la Baie, et en devient un des experts ("The Jefferson Airplane and the San Francisco sound" - Ballantine Books 1969) et ne cessera de les promouvoir (Le festival de Monterey sera rock en 1967). En 1968 et 69, il concocte deux programmes, "Go ride the music", consacré au Jefferson Airplane et à Quicksilver, et "West pole", pour honorer les lieux de San Francisco d'où "tout est parti", le club The Matrix de Marty Balin, l'Avalon Ballroom et le Fillmore de Bill Graham ainsi que la scène en plein air du Golden Gate Park, haut-lieu s'il en est.

Deux émissions hallucinantes.
Le film sur Jefferson Airplane est un vrai document, une archive. Filmé dans les studios Wally Heider de SF (les dévoreurs de pochette connaissent le nom par cœur !), le groupe joue live, dans la configuration que permet l'absence de public - musiciens en rond autour du batteur et les chanteurs Grace Slick et Marty Balin face à face. Mais le batteur Spencer Dryden n'est plus là, remplacé par le jeune et (trop) fringant Joey Covington, batteur qui bat, sans grand charisme ni style (petite erreur de date du fils Gleason, l'émission n'a pu être diffusée en 1968, Dryden ayant quitté l'Airplane de dégoût, après son passage au festival d'Altamont, en décembre 1968).
Début 1969, l'Airplane est un groupe rôdé, au point, puissant et rompu aux impros, et n'offre pas encore l'image scénique de deux entités inconciliables. Au top de sa carrière (entre les albums "Volunteers" et "Bark"), et ce jour-là heureux de jouer - et visiblement en très bonnes conditions - il balance sept morceaux (dont les peu courants "Mexico" et "Emergency") et termine sur un très grand "Wooden ships" (le morceau de David Crosby repris sur “Volunteers”, qu'on voit incognito fumer avec Kaukonen avant l'émission). Le programme est complété par quatre titres de Quicksilver en plein air, avec un Cipollina curieusement en arrière, convulsivement cabré sur sa guitare et ses solos, Gary Duncan et David Freiberg en avant.

Le reportage documentaire "West pole" quant à lui, expose la vitalité, la nouveauté, l'inventivité de la scène musicale de 1968, une scène qui n'empruntait à personne (cf les réponses joyeuses et presque béates récoltées au sein des très longues files d'attente devant le Fillmore ou l'Avalon). Mais le clou de "West pole", c'est une prestation du Grateful Dead, clip d'époque hallucinant (au sens propre) de "New potato caboose", enchaînée à "Alligator" (non crédité sur la jacquette), et voilà qu'à présent, on pourra écouter ET regarder la face B de "Anthem of the sun".

Aah si on avait pu voir ça à l’époque ! Culte bien sûr.