Filtered through friends (Remixes)

Spunk

par Hugo Catherine le 16/09/2004

Note: 7.0    

La pratique des remixes est inépuisable puisqu'elle est à l'origine de tout recyclage de son, et ainsi par extrapolation de la musique électronique elle-même. Notre environnement – nature, hommes, machines - est composé d'une multitude de bruits qui se livrent à nous et notre liberté – théoriquement bornée par les droits de reproduction – est de pouvoir les moduler selon notre créativité propre. Cet album correspond précisément à un travail de recréation. Il s'agit de remixes au sens noble du terme, loin de certaines logiques commerciales de remix qui s'apparentent plutôt à de la mal-bouffe de cantine réchauffée. Ici, l'accent est mis sur la création du chef-cuisiner qui s'approprierait les ingrédients pour en modeler les saveurs et éventuellement révéler de nouvelles senteurs. Si le résultat est souvent probant, les créateurs de deuxième vague à l'origine de cet album le doivent évidemment à la qualité de la matière première : ils piochent sans vergogne dans le répertoire sonore de Spunk qui se laisse chahuter sans mot dire.

Tout au long des treize titres présentés, il est possible de grossièrement distinguer deux types de morceaux en rapport avec deux voies empruntées dans la mise en œuvre du remix. La première voie, à la fois la plus facile d'accès et peut-être la plus accrocheuse, consiste à injecter une bonne dose d'allant électronique au matériau originel rêche de la musique spunkienne. C'est ce que Kim Hiorthøy s'évertue à faire dans “Akershus pubertet" grâce à une boucle breakbeat entraînante tout en rupture rythmique, mais aussi Upper Rooms dans "Thing that hurt" où les clochettes, les carillons, les vibraphones et assimilés, qui ne sont sans rappeler par exemple l'univers musical de FourTet, mettent en valeur la teneur nuageuse des idées sonores de Spunk. Feil fait de même dans Svalastog grâce à l'apport des infra-basses et à la délicatesse de la souche électronique digne du son de Cologne. Suivra Sun Demon dans Akershus, d'une originalité moyenne, où les beats et les échos du dub emboîtent le pas à des samples de percussions. Ce type de morceau permet souvent de cadrer la musique brute de Spunk, de la filtrer pour éventuellement lui faire accéder à un nouvel espace de liberté.

Pourtant, d'autres pistes suivent une voie tout autre. Il n'est plus question alors d'electronica rythmée déclencheuse de pulsations de tête, mais bien plutôt de l'extirpation d'une nouvelle matière brute à partir d'éléments eux-mêmes originellement rêches. Ces dernières créations s'éloignent moins de ce que nous connaissons de la musique de Spunk. Ainsi, Kristin Endresen dans "Truly falling slowly" fait honneur aux accents cauchemardesques des morceaux de Spunk dont nous retrouvons vite les rugissements les plus festifs et grimaçants. Il s'agira encore de conserver l'effroi de Spunk pour Andreas Meland dans "Buljong". Ces extrémistes de la matière brute, à l'image de Risto Holopainen dans "Aker brygge" où les tuyaux et les roulements à billes débouchent sur une ambiance intimidante, ou encore de Lasse Marhaug avec "Septemberunderlaget 2" dont le bruitisme aura sûrement nécessité une bonne scie à métaux, requièrent une écoute plus contraignante.

Ainsi il émerge deux modes créatifs de remix : celui qui vise au cadrage-épuration et celui qui déploie une nouvelle trituration des sons, une réorganisation spatiale plutôt qu'un aplanissement. Ces deux modes sont ici constamment sur la corde raide, menacés par leur propre enthousiasme : l'un craint à tout moment de se voir sombrer dans une musique plus entendue et répétitive ; l'autre met l'auditeur au défi de se plonger dans une reformulation expérimentale d'un son déjà difficile d'accès. Que les beats prennent le dessus ou que les instruments s'égosillent, les élans de création sont inépuisables et une grande question reste ouverte : que faire de tous ces sons ?