Duke's Ellington's sound of love Vol. 2

The Vienna Art Orchestra

par Sophie Chambon le 20/02/2004

Note: 8.0    

Fondé en 1977 par Mathias Rüegg, le Vienna Art Orchestra a connu différentes générations d'interprètes changeant ainsi la couleur sonore et les univers esthétiques d'un big band actif dans le renouvellement de l'écriture jazz pour grandes formations. Résultant de ce travail de collectifs privilégiant toutes les aventures, les différents albums de l'orchestre comme "From no time to ragtime", "Inside out" et “American rhapsody, a tribute to George Gershwyn", relisent à leur manière une histoire du jazz.

Revenir sur Ellington s'imposait alors comme un passage obligé car dans l'œuvre démesurée du Duke ne retrouve-t-on pas le jazz en entier ? Vigueur et jubilation, style et séduction, passion pour la couleur, sens des masses orchestrales, tension rythmique, entraînement à jouer des compositions rendues simples par un swing imparable, ces partitions redonnent la part belle à des solistes brillants, évitant ainsi la frustration des instrumentistes d'orchestre, d'autant que des backgrounds soigneusement travaillés exaltent encore leur intervention. Car le chef savait écrire pour "ses" hommes, les Cootie Williams, Johnny Hodges, Lawrence Brown, Harry Carney, braquer les projecteurs sur eux , et ainsi laisser l'impayable Paul Gonsalvès se réveiller à Newport pour prendre sur "Diminuendo and crescendo in blue" un nombre insurpassé de chorus d'affilée, avant de se rasseoir, enivré de plaisir cette fois.

Ruegg a montré qu'il savait faire sienne quelques idées fortes, s'emparer d'une forme musicale en plasticien-arrangeur, user de la paraphrase et de la variation. Reprendre des standards en les actualisant, servir aussi des thèmes moins connus de Duke avec rutilance est un défi dont le groupe se sort à son avantage. S'inspirer tout en détournant de façon pertinente, revivifier de façon astucieuse la tradition sans que l'on puisse un seul instant oublier l'original : ainsi, cet "After all", encore tout empreint de la caresse de l'alto, est le plus bel hommage au "lapin" Johnny Hodges.

Rejouer serait contraire à l'esprit du jazz, mais phagocyter les thèmes ellingtoniens est impossible. Cette relecture de toute une époque dans une perspective moderne, qui n'oublie pas la lisibilité, est le coup de chapeau d'un arrangeur qui sait aussi s'effacer devant son mentor. Ainsi ce "Duke Ellington‘s sound of love vol 2" est un album dédicace plus que conceptuel. La caravane continuera de passer longtemps.