A review and critique of the man and his music

Tim Buckley

par Francois Branchon le 01/06/2007

Note: 9.8     

Tim Buckley aurait pu se contenter de voler derrière "Wings", l'emblématique merveille d'un premier album conçu à 17 ans, où étaient déjà déposés tous les canons d'une folk "popisée". Beaucoup s'en seraient satisfaits, tant les sillons semblaient fendre des terres riches et meubles, les mêmes qui verront pousser tous les Fred Neil et les Jimmy Webb de la planète.

Mais Tim Buckley était embarqué dans un "voyage artistique", un marin lancé à l'aventure, un "starsailor" unique et incontrôlable, à l'évidence déconnecté des réalités concrètes, notamment celles de sa maison de disques. Et encore fut-il chanceux qu'elle se nommât Elektra, la grande Elektra des sixties, entre les mains d'un Jac Holzman et d'un Paul Rothchild qui croyaient en lui, et mirent sur la table temps, argent et énergie... Mais même eux, Buckley les épuisa, les poussa à bout, jusqu'à ce qu'ils le virent. Et de seul maître revendiqué à bord, le Tim de l'après-clash devra composer, faire des concessions, de plus en plus de concessions, qu'il tentera encore de contourner ("Greetings from LA"), jusqu'à s'éteindre, épuisé.

L'histoire de Tim Buckley est magistralement racontée dans ce Dvd, par trois personnages clés : le poète et parolier Larry Beckett et le guitariste (enchanteur) Lee Underwood (ses deux plus proches amis, présents dès le départ), et le producteur-arrangeur alors débutant (et ex-Lovin' Spoonful) Jerry Yester, envoyé par Elektra pour "canaliser" la fureur annoncée de "Goodbye and hello" (il arrangera aussi "Happy sad"). A eux trois, précis et émus, sans bavardage, ils détaillent le puzzle Buckley, la montée irrésistible, puis la lente dégringolade, révélant des pierres blanches pas forcément très connues (l'influence majeure de Miles Davis, la rencontre fortuite et déterminante dès 1965 de Herb Cohen, manager alors très en vue qui va devenir son Pygmalion...), comme des anecdotes sur son caractère impossible, sa récurrente culpabilité vis à vis de la copine de lycée Mary Guibert épousée après "glissade", ses manières de perfectionniste ou de suicidé commercial (l'histoire du show Monkees, où programmé dans leur show Tv ultra-regardé pour jouer un morceau de "Goodbye and hello" qui vient de sortir, il interprète l'alors introuvable "Song to the siren"...)

Cette biographie filmée est dite "non autorisée", sans l'agrément de la Fondation Tim Buckley (Mary Guibert = veuve Hergé), ce qui explique les passages live réduits aux seules citations légales. On y voit notamment ce fameux "Song to the siren" du show Monkees, version solo acoustique magnifique (parue sur le bootleg "Return of the starsailor"), "Morning glory" au Old Grey Whistle Test de la BBC (1974) et deux extraits du concert de juillet 1968 au Queen Elisabeth Hall de Londres (publié en 1990 sous le nom de "Dream letter"), fameux concert où Danny Thompson, le contrebassiste de Pentangle improvisa tout son concert.

Ce magazine ne cache pas sa muse. L'histoire de Tim Buckley est une des plus fulgurantes de l'Histoire, et sa musique de celles qui transforment un homme. Elle m'a transformé, en 1972, en découvrant d'un coup "Buzzin' fly", "Gypsy woman", "No man can find the war", "Wings"... Son détachement des contingences n'a pas à lui être reproché, et probablement se foutait-il d'être célèbre ou pas. L'histoire telle qu'elle est racontée ici, par de vrais proches, crédibles et sensibles, musiciens anti-stars s'exprimant pour l'occasion, rend bouleversante cette lutte presque ignorée, de plus en plus vaine au fil des mois, contre les entraves, commerciales et psychologiques.
Bouleversante, l'histoire l'était déjà pour des raisons personnelles (mort le 29 juin 1975 - mon anniversaire - à huit jours d'un premier concert en France - j'avais mon billet...). Ce récit a rajouté sa couche lacrymale.

NB : Ce Dvd n'a pas de version ni de distribution française (aucun sous-titre). Il est disponible pour une dizaine d'Euros sur Amazon.


TIM BUCKLEY Song to the siren (Live Monkees TV Show Usa 1968)