Chroniques Concerts

Eurockéennes de Belfort - samedi 1 juillet

Posté par : Chtif le 05/07/2006

La deuxième journée débute sous les meilleurs auspices avec les désormais confirmés Hushpuppies : trois rangs de minettes agglutinées aux barrières et gros pogo juste derrière réceptionnent chaleureusement nos cinq élégants qui reprennent toujours les Kinks avec classe. Olivier, le chanteur, s'offre un beau bain de foule en final.

Sur la grande scène, l'ambiance est très bon enfant pour le hip-hop métal de Enhancer, parfaitement rôdé sur scène (et qu'on fait lever les doigts, et qu'on va jouer de la gratte sur le public, et qu'on fait asseoir tout le monde...!). Un petit coup d'oeil aux très polis Sunday Drivers (succès garanti grâce à leur single du moment), avant de rejoindre les français de I Love UFO sur la scène de La Plage. Le trio parisien maintient des riffs punks répétitifs et hypnotiques en plein cagnard : c'est étouffant et rudement efficace, mais les vingt dernières minutes assènent le coup de grâce. Dérivant sous des latitudes complètement psychédéliques, le chanteur se lance alors dans des mélopées folles et des envolées de guitare spatiales. Pendant quelques instants, on a cru qu'Hawkwind venait de débarquer sur Belfort. Le chanteur se hisse sur les amplis, se contorsionne en proie à quelques démons soniques et descend les combattre sur les bras du public (une mode, décidément !). Suintant de sable et de sable collé, il est à bout, presque en transe, l'âme de Morrison navigue dans les parages. (à voir ICI)

Sur la grande scène, Morrissey assure juste ce qu'il faut : toujours aussi dandy et tranquille, l'ancien Smiths se concentre uniquement sur ses deux derniers albums, ce qui laisse pas mal de monde sur le carreau. Un bon moment de flottement s'ensuit : Camille essaie péniblement de se la jouer Björk sous le chapiteau (pas vue, mais les sources sont fiables), et Depeche Mode entame son set au moment de la qualification française. Après quelques morceaux bien peu dansants, on fuira ce son et lumière indigeste (le genre 40 MégaWatts, 12000 ampoules) pour retrouver les hollandais de zZz sur une scène minuscule ornée d’un unique spot vert. Avec un look de looser pas possible, le duo batterie-claviers va, pour la deuxième fois du festival après les Gossip, rendre le (maigre) public complètement dingue. Les punks aiment leur énergie, les métalleux le volume, les ravers le côté électro, et les psychés l'orgue distordu. Calé à cinquante centimètres de la batterie, on voit les gouttes de sueur rebondir sous le martelage forcené de la caisse claire. Zzz se décidera à quitter la scène trente minutes après l'horaire prévu. (à voir ICI)

Pour clôturer idéalement notre festival (dommage pour Mogwai et Archive, le lendemain), Katerine fait danser jusqu'aux derniers rangs avec son spectacle décalé, très rock, et franchement marrant ("on est l'équipe de France de musique !"). Trois belles surprises et autres bons moments auront contribué au succès de ces deux premiers jours d'Eurockéennes. Avec la preuve, une fois de plus, qu'il ne fait pas bon devenir riche et célèbre quand on se prétend rock'n roll.


Eurockéennes de Belfort - vendredi 30 juin 2006

Posté par : Chtif le 05/07/2006

Les puristes diront que des Eurockéennes de Belfort sans pluie ne sont pas vraiment des Eurockéennes. Un soleil accablant ayant dominé pendant tout le week-end, on se rangera donc sans peine à leur avis: à l'image du climat plus que clément, l'édition 2006 des Eurocks s'est déroulée sans boue, sans tâche et (presque) sans accrocs.

L'annonce des têtes d'affiche n'était déjà pas très bandante, leur prestation ne le sera pas plus. Entre des Strokes venus ramasser la thune (Julian juge à ce propos inutile, ou bien très hype, de n'articuler aucune parole… ceci dit, "Heart in a cage" reste une bonne chanson), et des gros shows mécaniques et mous du genou (Depeche Mode, Daft Punk), on n'est pas gâté sur la grande scène. C'est donc sur les annexes qu'il faut chercher un peu de feeling.

Après avoir loupé Venus (victime d'une aberration de programmation en ouverture du festival), on démarre avec le rock stoner de Jack and the Bearded Fishermen, rescapés du tremplin annuel : des relents de Kyuss infestent l'air, malgré un certain manque d'envergure au chant. Le débat est censé s'élever avec l'arrivée de Deftones sur la grande scène... mais retombe aussi sec. Chino s'est empâté et ressemble à un Coluche en chaussettes à bandes. La fosse est conquise d'avance, mais l'enthousiasme du chanteur s'est érodé après dix années de hurlements ados au service d'un émo-métal, précurseur en 1995, mais aujourd'hui quasi-risible.

C'est au tour d'Arctic Monkeys, les petits prodiges anglais, de faire chapiteau comble (pourquoi pas la grande scène, alors que Anaïs y semblait toute perdue auparavant ?). Gros mouvements de foule pour les chansons du quartet très à l'aise et sans manière (jogging, baggies, jeans...). Ca manque encore un peu de groove, mais le (très jeune) public est ravi, et "When the sun goes down" balance bien, que demander de plus ?

On délaisse les Dyonisos (déjà vus, et un peu trop portés sur les jolis contes de fées en ce moment) pour aller se prendre une bonne dose de bourrin avec les français de Gojira sur la Plage. Précision diabolique et grosse énergie sont au programme du combo très influencé par Devin Townshend. Quelques vieux morceaux manquent à l'appel pour que l'on reparte pleinement satisfaits, mais on inscrira néanmoins sur les tables de loi death-métalliques cette mémorable phrase d'outre-tombe : "Est-ce que vous voulez un morceau bien graaaaaas ?"

C'est entre les Strokes et Daft Punk que se pointe The Gossip, improbable trio activiste gay (une chanteuse, riquiqui et grassouillette, une batteuse tatouée, et un guitariste à la frange douteuse), qui fait déjà parler de lui depuis quelques temps (notamment remarqué dans l'émission Tracks il y a quelques mois). Sur scène, c'est tout simplement inouï. Issu d'un croisement survolté entre les White Stripes, Le Tigre, et The Bellrays, The Gossip dresse un tremplin électrique incliné droit vers les cieux pour la voix soul-rock de Beth Ditto. Il n'y a pas de mot pour décrire ce que ce bout de femme est capable de produire : hurlements crissés, feulements de hyène abreuvée à l'Absolut, caresses d'amour et promesses divines, le public se regarde stupéfait, et ne comprend pas d'où peut venir une telle énergie. Beth gigote, veut virer les barrières, picole au goulôt, se fout de la gueule des Daft Punk, et demande si on l'aime, si on l'aime... Trop fort, trop beau, The Gossip est le coup de coeur définitif du festival (à voir ICI)

Après cela, la disco géante sur fond Matrix-Stargate des Daft Punk paraît bien fade, même si ils ont mis le paquet niveau moyens.