Ex-stars des nineties trop souvent
associées à l'écurie Steve Albini - autrement dit à des gens qui
vouent un véritable culte au punk rock et à la modélisation des
amplis -, Virginie Peitavi et Armand Gonzalez étaient déjà connus
pour avoir fait partie de Sloy, un trio indé qui enflamma
l'underground jusqu'à l'aube du millénaire. Après être passé par
la case 2000 et avoir été relégué au fond du magasin derrière
les têtes de gondole de la musique électro, le couple est de retour
avec un énième avatar, simplement composé de deux chiffres, et un
langage inventé, le Novo Rock, qui peut être assimilé par tout le
monde en un peu moins de trois quarts d'heure et pas plus de neuf
chansons. Celles, précisément, qui composent "Adulte", leur
nouvel album.
Si le disque précédent était fun et
riche en connotations sexuelles, celui-ci se développe plutôt sur
le registre de la frustration et en noir et blanc. La pochette donne
d'ailleurs le ton. Un petit garçon, qu'on dirait échappé du
"Village des damnés", y apparaît frontalement, dans une
pénombre expressionniste et angoissante digne d'un film d'épouvante.
Référence évidente à cette oeuvre culte et à la guerre froide,
l'image ne cesse de nous hanter durant toute l'écoute du disque. On
nous dit "Adulte" mais on nous montre un enfant. De quel enfant
s'agit-il ? Et pourquoi mettre en avant le terme d'adulte ou
l'idée de maturité ? Ces questions traversent tout l'album en
filigrane et, contrairement aux apparences, c'est peut-être en
empruntant la voie de ce méandre dialectique que l'on pénètre le
mieux dans la zone 69.
Sur "No people", des choeurs
d'enfants, comme des entités parasites, contaminent la ligne
mélodique. Seraient-ce les voix des blondinets, à la physionomie
aryenne, qui peuplent le village des damnés ? On ne saura
jamais. La question reste en suspens, se balançant de chanson en
chanson, sous la lumière de claviers dark et vintage. Musicalement, amis du
rock festif, mieux vaut s'abstenir. Les environs transpirent
l'angoisse et le malaise. Il est question de drapeaux noirs, de
mauvais souvenirs et de guerre froide sociétale. Dans cet univers,
cela dit, rien ne nous empêche de danser. "The con",
premier single, en est un parfait exemple. Une proposition
cathartique, et un tube potentiel pour toute une génération - même
si on sait que ça ne passera pas sur les ondes pour cause de
noirceur enragée. Pas grave, ce disque percera underground, chez les
amateurs de cuir et de verre brisé. Aucun morceau à jeter.
Extrêmement bien produit. Un chant toujours aussi imprévisible et
fantasque. Une aura Brian Eno. Des coulées kraut de magma froid. Des perles noires ramenées par la cold
wave, portées dans un écrin de brume et de néon blanc. "Collision"
est une pure merveille pop. Et le très mancunien "New order" –
pour ne pas citer Joy Division – une alcôve de quartz gothique
taillée pour le dance floor.
Alors, adulte ou enfant ? Virginie
et Armand, en couple sur scène comme à la ville, semblent deviner
la réponse. 69 année érotique, certes, mais aussi régressive,
comme l'accouplement foetal de deux éléments lovés l'un contre
l'autre.
69 "The con" (clip officiel)