A Place to Bury Strangers

A Place to Bury Strangers

par Emmanuel Durocher le 31/03/2009

Note: 5.0    

A la fin des années 80, quelques groupes britanniques, cachés derrière des guitares saturées et des mélodies imparables, passaient leur temps à regarder leurs pieds sur scène engoncés dans de gros pulls de laine et sous une coupe au bol version pétard et cheveux gras. D'une timidité excessive et/ou complètement défoncés, ces shoegazers n'arrivaient pas à relever la tête mais invitaient à un voyage dans un nuage d'éther chargé de réverbérations psychédéliques et de refrains mélancoliques. Sous le patronage de deux figures essentielles, The Jesus and Mary Chain et My Bloody Valentine, ce mouvement a accouché de belles réussites comme Ride, Lush, The Pale Saints, Slowdive ou les premiers albums de The Verve et du Teenage Fanclub. Mais comme tout phénomène lié à une mode, combien aussi de Curve, Catherine Wheel ou Swervedriver inutiles... Le mur du son avait aussi fait des émules en France, avec les angevins The Drift ou les franc-comtois Welcome to Julian, avant de se diluer dans les ondes du grunge et de la techno au cours des années 90.

De l'autre côté de l'Atlantique, cette noisy pop existe de nouveau grâce à un revival aussi étonnant qu'inattendu. Les formations anglophiles rivalisent autant avec les décibels qu'avec la longueur de leur patronyme : Amusement Parks on Fire (Los Angeles), A Sunny Day in Glasgow (Philadelphie), Titus Andronicus (New Jersey), School of Seven Bells (New York)... Derniers rejetons de cette lignée, les New-Yorkais de A Place to Bury Strangers ne cachent pas leurs influences et ce premier album éponyme paraît presque anachronique en 2009. Il ressemble à une petite encyclopédie du shoegazing : les ambiances caverneuses de "Missing you", "Another step away" ou "To fix the gash in your head" semblent sorties tout droit du "Barbed wire kisses" du Jesus and Mary Chain (collection de raretés et B-sides n'appartenant pas au meilleur du groupe de Glasgow), le presque ridicule "The falling" joue à du Slowdive déprimé et neurasthénique (ce qui n'est pas peu dire) et certains titres jouent au blind test des albums de My Bloody Valentine : les nappes brutales de guitares de "Isn't anything" sur "Don't think lover", les trémolos de "Loveless" sur "Sunbeam" ou l'érotisme sonore de "Ecstasy and wine" sur "My weakness". Les emprunts douteux peuvent virer à la copie sans âme et la saturation atteint son comble (dans tous les sens du terme). Les Américains s'en sortent mieux en plongeant dans un autre type de brouillard, quand les pluies de réverbérations et les larsens liquides de "I know I'll see you", "She dies" et "Ocean" sont étouffées par une basse sourde digne du "Faith" de The Cure ou du "First and last and always" des Sisters of Mercy.

Du bruit mais pas assez de fureur, on est déçu par le manque d'originalité et de personnalité du groupe malgré quelques idées prometteuses. A force de déterrer les cadavres, A Place to Bury Strangers risque fort de se retrouver six pieds sous terre.




A PLACE TO BURY STRANGERS To fix the gash in your head (clip 2009)