Minor love

Adam Green

par Fabrice Boudin le 24/02/2010

Note: 8.5    

Parmi les nouveaux crooners (ces "nouveaux Sinatra"), à chacun sa filiation : Richard Hawley (Hank Williams), Jarvis Cocker (Lee Hazlewood), Neil Hannon (Scott Walker)... Et au sein de cette bande, jamais bien loin de la désuétude, il y a Adam Green, qui lui se serait plutôt vu... en nouvel Iggy Pop ! Las, un physique trop frêle (à son goût) le découragera de plonger à poil dans des tessons de bouteille, et c'est en conteur peinard de cabaret que ce jeune New Yorkais débutera fin 90 au sein du groupe anti-folk Moldy Peaches. Mais c'est en solo qu'il exploite au mieux son timbre de velours. Son créneau : la chanson pêchue et courte de moins de trois minutes, vaguement humoristique, souvent trash. Les premiers albums, "Garfield" (2002), "Friends of mine" (2003) et "Gemstones" (2005) furent plus que prometteurs, parfaits de bout en bout, témoignages d'un artiste sûr de ses goûts et de son style. Un niveau moindre sur les suivants, même si chacun recelait un trésor à écouter en secret, "Party lines" ("Jacket full of danger", 2006) ou "Grandma Shirley and papa" ("Sixes and seven", 2008).

"Minor love", son sixième, crade et rock'n'roll, est plein de très bonnes choses. Un son enfoui de vieux micro ("Breaking locks"), des chansons profondément sauvages ("What act him so bad", "Oh Shucks") et une perle, "Boss inside", dans laquelle Green se réclame de Leonard Cohen, et il est juste... magique. Le morceau, bien trop court – une habitude ! - s'écoute en boucle, une fois, deux fois, puis sans arrêt. Aux côtés de titres purement "greenien" (Sinatra de cabaret, teinté d'auto-dérision) que sont "Castles and tassels" (furieusement Hazlewoodien), "Give them a token", "Cigarette burns forever" et le plein de délicatesse "Bathing bird", des curiosités : une guimbarde, de l'épure acoustique, des boîtes à rythmes et des mixes de voix inhabituels (un "Don't call me uncle" petit frère de "Grantchester meadows" de Pink Floyd)...  Et c'est après un "Lockout" très bordélique, que vient en conclusion "You blacken my stay". Cette chanson, la plus novatrice de toutes, commence comme un standard, vire au blues, évolue vers une pop proche des Beatles (une guitare très Harrisonienne) pour terminer sur un synthé psychédélique sorti de nulle part. En deux minutes et des milliers de revirements Adam Green aura réussi à nous perdre ! Qui à part les Beatles de "Hapiness is a warm gun" réussirait une telle prouesse ?

Adam Green, avec ce "Minor love" débordant d'amour pour l'auditeur, nous demande une dernière fois, en bon troubadour, si on a aimé ses chansons, tout en confessant qu'il doit passer à autre chose et faire table rase du passé, cet amour obscurcissant sa situation. On sent un furieux second degré...



ADAM GREEN Breaking locks (Clip 2009)