Kebelen

Akosh S. (Akosh Szelevenyi Ensemble)

par Sophie Chambon le 30/04/2001

Note: 7.0    

Nous voilà repartis dans les Balkans, à la poursuite d'un folklore qui n'est pas seulement imaginaire ou cinématographique : ce n'est pas la suave douceur de "Ederlezi" du "Temps des gitans" de Kusturica, mais le jazz s'intègre dans cette tradition libre, orale, dans une folle traversée des musiques des pays de l'Est. Violente, expressionniste, la musique de ce troisième disque, dans la production du poly-instrumentiste Akosh Szelevenyi, nourrit l'espérance de sortir d'un cauchemar puisqu'il préface ainsi : "Je crois en la femme, je crois en l'enfant, je crois en un monde et en l'homme. Qui ne font qu'un. Malgré tout". Après "Imafa" (Arbre de vie), et "Eletter" (Espace de vie) il est toujours question de vie dans ce nouvel album, "Kebelen". En hongrois, 'kebelen' veut dire 'au sein' dans tous les sens du terme, de la matrice protectrice (qui renvoie aux forces telluriques), aux images d'une femme allaitant ou d'un ami que l'on embrasse. "Kebelen", dont il faut relever au passage - et cela est important - la conception soignée de la jaquette, est un album live retravaillé en studio : cinquante minutes pour cinq morceaux longs, aux titres traduits (en scannant la page du dictionnaire hongrois-français, avec les différentes significations) où l'on enchaîne distorsions électriques, bidouillages électroniques, voix ou plutôt cris de Bertrand Cantat (un habitué depuis les débuts d'Akosh S. Unit), vagissements, recherches de dissonances en tous genres, très longs passages free, alliages originaux du violon de Joe Doherty, de flûtes en tous genre, d'une clarinette métal et d'une contrebasse exaltée. Composée à partir d'improvisations libres, cette musique traversée des ombres de l'histoire, et pas seulement des tourments du passé, traduit la tension entre les structures, mélodies, rythmes issus d'un terroir, d'une mémoire, spécifiques et le jazz. Mais d'où vient que tout s'enchaîne un peu trop à l'identique et que l'on s’essouffle vite à suivre les stridences des saxophones, la frénésie étourdissante, au sens premier du terme, de l'ensemble ?