| | | par Sophie Chambon le 15/03/2009
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| 2009, l'année Emler ? Assurément, car le pianiste a triomphé de tous ses "concurrents", devancé tous les prétendants, gagné haut la main de multiples prix, raflant toutes les mises et récompenses. Une consécration amplement justifiée avec sa meute, la belle machine du Mégaoctet, mais aussi en trio avec sa rythmique superlative (Tchamitchian, Echampard) dans le TEE justement nommé. C'est seulement après ces succès qu'il s'est enfin résolu, encouragé par son "alter ego", son fidèle complice du label La Buissonne, Gérard de Haro, à passer le test du solo, à accepter cet exercice difficile et pourtant inévitable à un moment donné de la carrière d'un pianiste. C'est là que l'on affronte tous les démons, que l'imaginaire est le plus à découvert. Pour ce disque en solitaire qu'il présente justement comme "une œuvre orchestrale pour pianos multiples", Andy Emler n'a pas lésiné : il nous offre un orchestre de pianos. Ça joue vite, fort et grave. Un piano lyrique, fougueux même, abrupt dans les graves, assourdissant parfois, percutant et percussif toujours. Mécanique et obsessionnel dans sa façon d'enfoncer implacablement les touches, épuisant les notes, Emler martèle des accords surprenants, dissonants parfois, circulant avec aisance de rebond en accélération, maintenant une cadence très nerveuse. Une musique énergique, construite de façon élaborée, rythmiquement appuyée, qui affirme vite un sens dramatique évident. Une musique complexe et profonde, grave et sombre qui trahit un engagement émotionnel, à vif, que cristallise le choix des titres et celui de l'album lui même, "For better times". La thématique questionne l'ordre mondial en écho à l'environnement politique et social, préoccupations très actuelles en somme. Ah ! Ce goût prononcé pour les reprises, les boucles, les échos, les répétitions passionnées d'un même thème, ou d'une phrase ! Pas vraiment d'acidité mélancolique dans la musique d'Andy, qui emporte comme un torrent, balaie comme une vague de fond, sauf peut-être sur la courte composition qui introduit enfin une pause, un répit, une douceur tendre et impressionniste : "Father and son" n'est pas de lui justement mais de Peter Gabriel, que Gérard et Andy admirent depuis si longtemps ! Cet album illustre un art de l'instant : fortement travaillé, il renvoie aux maîtres de l'instrument et aux musiciens classiques, distillant une musique intime qui laisse sa résonance sur le merveilleux piano de la Buissonne. Plus d'une heure de fureur poétique sur un piano préparé, métallique parfois comme un instrument africain, un piano qui ne nous entraîne pas dans une valse langoureuse mais qui danse néanmoins, assez éloigné du jazz de la tradition américaine : Andy Emler a une culture, une formation et fait partie d'une génération qui lui permet de sortir de ces références. Un authentique compositeur, une empreinte indélébile. Un univers des plus attachants. Bravo l'artiste ! |
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