| | | par Francois Branchon le 27/03/2006
| Morceaux qui Tuent Hymne à la vie
| |
| Il était une époque, les années soixante-dix, où le rock français n'avait aucune crédibilité, enfermé dans un complexe d'infériorité chronique vis à vis des anglo-saxons, pensez, même les Allemands avaient alors une "scène" ! Cette faille psychologique, encouragée par l'assertion "le français n'est pas une langue pour le rock" auto-censurait toute vélléité d'originalité. Les seules couches créatives étaient à chercher dans l'underground parisien (Moving Gelatine Plates), souvent impliqué politiquement dans les nombreuses luttes de l'époque (Komintern, Barricades...). On laissera de côté l'inclassable Magma. La France secréta aussi son folk-rock inspiré des Anglais de Fairport Convention (Pierre de Grenoble, Malicorne, La Bamboche, La Tisane Planante...), parfois proche des Allemands (Catherine Riberiro + Alpes) ou dérivant vers le progressif médiéval (Ange). Cette dernière expression sera populaire, Ange, servi par les deux frères assez charismatiques Christian et Francis Decamps, vendra beaucoup de disques, tournera beaucoup. Et lorsqu'ils s'attaquaient à un monument de la chanson française - "Ces gens-là" de Brel - le résultat était certes grandiloquent mais loin d'être nul.
Ange existe toujours messieurs-dames. Des membres fondateurs ne reste que Christian Decamps, qui a depuis 1995 installé sa descendance. Son fils, simplement présenté comme "Tristan" - le public fait partie de la "famille" n'est-ce pas - officie aux divers claviers, trentenaire hyper sérieux et concerné, adoptant une assez curieuse pose scénique de combat vis à vis de ses instruments. Ange se voulait un groupe "épique, il est aujourd'hui rattrappé par la tentation hard (syndrôme Jethro Tull), pollué par un batteur bavard incapable d'autre chose que des roulements en cascades - signe de savoir faire n'est-ce pas - et du guitariste Hassan Hajdi, au demeurant bon musicien mais cédant trop vite à la tentation du solo. Les parties vocales et "théâtrales" sont bien entendu l'oeuvre de Christian Decamps, complété par Caroline Crozat, chanteuse assez mauvaise et surjouant en permanence.
On l'aura compris, Ange qui fut autrefois un vrai groupe, avec un son personnel oeuvre de tous (avec les Jean-Michel Brézovar, Daniel Haas...), est à présent un duo familial servi par des faire-valoirs anonymes. Le sommet du ridicule est atteint avec la reprise du "Bal des Laze" de Michel Polnareff, que Decamps ortographie "Bal de Laze", mais peu importe le contre-sens. Notre Tristan y est seul, face à une dizaine de projecteurs bleus en arc de cercle fonçant sur lui et le cernant dans un halo presque mystique. Sa prédisposition à la pose libère le garçon, une jambe en arrière, courbé en avant à l'horizontale, il fait face, lutte, se bat pour tirer des sons à ses claviers. Et il chante, enfin gémit, une version ralentie, grandiloquente et vide. Le pegase se rêvait un vol impérial, il reste englué les sabots dans la tourbe.
Et pourtant, quand tous se taisent, que Hassan Hajdi se contente de doux arpèges, Tristan Decamps de légères boucles et que Christian Decamps retrouve son talent de conteur, alors Ange peut, le temps de la ballade "Hymne à la vie", proposer de la finesse et de la gueule. Dommage. |
|
|