Feels

Animal Collective

par Jérôme Florio le 26/05/2006

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Bees


Comme un organisme qui continue d'évoluer, ou une chrysalide qui se mue en papillon, ce septième disque des Américains marque une nouvelle étape dans leur discographie. "Feels" est un délicat mille-feuille sonore à l'écriture aventureuse, que l'on peut éplucher différemment à chaque écoute.

Après "Sung tongs" (2004), album très acoustique, le groupe montre la volonté de densifier le son, de remplir l'espace : les expérimentations sont toujours au service des mélodies, les vocaux d'Avey Tare fusent comme des feux d'artifice, et le tout fusionne dans un traitement dynamique, organique. Chaque titre donne l'impression d'un univers grouillant de vie, chaud et vibrant. Sur les titres qui donnent une fausse impression de statisme, des bruissements témoignent d'une vie sous-jacente ("Banshee beat"). Une pulsation rythmique traverse tout le disque : elle travaille en profondeur "Did you see the words", et "Grass" qui a l'humeur acidulée d'un Syd Barrett en pleine forme. Les guitares sont aussi jouées et utilisées avec inventivité. En boucles lancinantes ("Flesh canoe"), strates superposées ("The purple bottle"), elles sont démultipliées et réagencées pour un résultat discrètement scintillant ("Daffy duck"). A la moitié du parcours, "Bees" est une composition tout en équilibre : une bulle retenue au-dessus du silence par une fine toile d'araignée, sur laquelle tombent en gouttelettes les voix, le piano, des accords répétés d'autoharp. L'électronique de "Loch raven" est paisiblement étouffée, comme le ferait un Aphex Twin patient. "Turn into something" offre un dernier tour de manège de fête foraine, sur un wagon de grand huit qui finit par sortir des rails... pour rester en lévitation au lieu de de se fracasser par terre.