Anna Calvi

Anna Calvi

par Jérôme Florio le 05/03/2011

Note: 7.0    

Sur la pochette, Anna Calvi pose en habit de lumière, comme on dit pour les toreros (l'Espagne, le flamenco font partie des influences de la jeune fille). Précédée d'une rumeur flatteuse - Brian Eno comme caution inattaquable -, Anna est sous les feux des projecteurs depuis plusieurs semaines qui ont vu la pression monter autour de la sortie de son premier disque. L'industrie aurait bien besoin d'une nouvelle idole rock crédible, façon Patti Smith ou PJ Harvey.

La pochette évoque à la fois celles de "Grace" (Jeff Buckley, 1994) et "Dry" (PJ Harvey, 1992) : un certain goût pour l'apparat et le mystère savamment entretenu.

 



Le visuel insinue l'idée que le disque est engagé comme un combat vital. "Anna Calvi" bénéficie de la production plus que solide de Rob Ellis, qui a par ailleurs beaucoup travaillé avec PJ Harvey période "Dry", mais c'est pourtant à Buckley que l'on pense rapidement : dès l'entame du disque ("Rider to the sea"), c'est le son clair de la Fender Telecaster fortement rehaussé d'écho, dont Calvi s'efforce de jouer avec un style singulier, qui produit cet effet. On y pense aussi par le culot de se mesurer à Edith Piaf sur un premier single ("Jezebel" pour Calvi courant 2010, "Je n'en connais pas la fin" sur le "Live at Sin-E" de Jeff). Calvi montre un goût affirmé pour le tragique et le lyrique, chose que l'on croise en effet rarement : toutefois son disque ne nous entraîne pas aussi haut, ne provoque pas la même extase dyonysienne que "Grace", et son onde de choc sera bien plus mesurée.  

Anna Calvi a l'intelligence de pas chercher à en mettre plein la vue tout de suite, en entrant dans l'arène à pas feutrés ("Rider to the sea"). "No more words" est bien nommé : le mystère, l'absence de sens lui conviennent mieux que le balisé et l'explicite. Plutôt que d'aller plus profond dans cette direction, elle choisit de muscler le propos... "Desire" gagne en force de frappe, mais s'arrête sur un palier où voisine "Because the night" de Patti Smith. Pour la voix, on est en effet dans les cordes de Patti, Chrissie Hynde ou encore Siouxsie Sioux ("I'll be your man"). "First we kiss" et "The devil" parviennent à imposer leur mélange de rock, de lyrisme flamenco et de maquillage gothique un peu appuyé. "Blackout" est un bon véhicule pour s'ouvrir les portes des radios.

Anna Calvi maîtrise ses atouts, et met en place ce que l'on appelle communément un "univers" – à savoir une masse de signes, visuels et musicaux, qui la singularisent sur le marché du disque. Sa personnalité et son chant flamboyant ne lui permettent pas encore de transcender quelques gimmicks au niveau de ses compositions, et on a parfois un peu de mal à faire la part entre un décorum un peu chargé et un sincère  don de soi. Anna réussit néanmoins sa novillada, et on lui accorde pour l'instant une oreille.



ANNA CALVI Jezebel (Clip 2010)