BOF Le cinéma d'Antoine Duhamel

Antoine Duhamel

par Francois Branchon le 04/10/2000

Note: 8.0    

Antoine Duhamel symbolise la difficulté d'un musicien compositeur "classique" de pouvoir enregistrer son oeuvre en France, quand il ne fait pas partie de la "famille", de la caste. Malgré une pléthore de concerts et de récitals de piano à travers le monde, des opéras (Duhamel en a écrit près d'une dizaine et autant d'oratorios), aucune de ses oeuvres n'a jamais vu la couleur d'un sillon. Il faut semble-t-il chercher la raison dans une supposée "trahison". Nous sommes dans le monde de la musique classique des années soixante, et chez "ces gens-là" Monsieur, on ne franchit pas les lignes, on ne s'abaisse pas à faire de la "variété" ! Or Duhamel, homme curieux, compose pour le cinéma. Et il n'est pas venu à la musique de film "en désespoir de cause", mais par goût, en s'entichant d'un Jean-Luc Godard que beaucoup prennent alors pour un fumiste. Il compose la musique de "Pierrot le fou" et à sa grande surprise devient une icône des sixties françaises. Il récidive avec "Week-end" (toujours Godard) et signe la bande-son de "Belphegor" (le feuilleton TV qui a pendant des semaines, scotché les babyboomers tous les samedi soir devant leur poste). Ses collaborations avec Truffaut tournent aux conflits (en réalité Truffaut se foutait un peu de la musique et de la post-production) et les dernières collaborations concernent "Vivement dimanche" et "Domicile conjugal", présent dans cette sélection avec un "Petit concert" très stravinskien et un "Kyoko" presque pink floydien... Antoine Duhamel compose toujours actuellement, "Ridicule" de Patrice Leconte et le film actuellement à l'affiche de Serge Le Peron "L'affaire Marcorelle" (une confrontation à son passé, puisqu'il y recroise Jean-Pierre Leaud, acteur fétiche de Truffaut). N'oublions pas les curiosités sixties, compositions pour des films de série B devenus cultes, comme ce "Cinq gars pour Singapour" (non, ce n'est pas un San Antonio !) de Bernard Toublanc-Michel (l'assistant de Godard), typique film de série français comme on les aime, avec bagarres et embrouilles de came (il n'y manque que Paul Meurisse !), que Duhamel s'est amusé à traiter en "expérimental" (bruits de paille dans les verres) et en composant "Somewhere in Singapour", un morceau pop clin d'oeil à "Yellow submarine". A ce stade, "ces gens-là", déjà en tombe, se retournaient allègrement !