Across America

Art Garfunkel

par Francois Branchon le 07/05/2003

Note: 6.0    

Introduit comme un voyage à étapes (à pied, en train, en rafting !) à travers les Etats-Unis, "Across America" se veut autant documentaire et digression philosophique sur le monde qui va trop vite, l'hypertrophie de la communication et l'absence de sens que compte-rendu du concert donné en 1996 au Registry Hall de Ellis Island dans le port de New York, un endroit symbolique, théâtre qui servit pendant la 2ème guerre mondiale de lieu d'enregistrement des immigrants juifs d'Europe, dont les trois générations de la famille Garfunkel. L'endroit est cosy, le public assis, les musiciens aussi, un guitariste à l'âme country qu'on aimerait voir plus à l'œuvre, un claviers-synthés un peu trop enrobant, quelquefois de trop, un Art Garfunkel dont la voix cristalline monte toujours délicieusement dans les aigus ("Scarborough fair", "Bridge over troubled water") mais qui se tient toujours aussi mal sur scène, ne sachant jamais quoi faire de ses mains, de ses bras, de ses jambes, et un répertoire de quinze morceaux qui fait la part belle aux vieux succès du duo avec Paul Simon, ses compos à lui ne valant pas tripette et le public étant de toute façon là pour ça. Le problème est que ces chansons sont inscrites dans la mémoire collective comme à double voix, sur des arrangements folk et qu'ici, amputés de leur moitié et privées de la subtile magie d'antan, elles sonnent terriblement lisses et plates, presque vidées de substance, et les artifices choisis (arrangements quasi rock fm, sa femme Kim Cermak préposée aux chœurs et James son angelot de fiston de 6 ans venant chanter sur "The 59th street bridge song (feelin' groovy)"...) donnant un remède presque pire que le mal. Tout ceci est flagrant sur "Scarborough fair", "Mrs Robinson", "Homeward bound"... ou sur "The sound of silence", aux arrangements inutiles et qui pour le coup obligent Garfunkel à pousser désagréablement sa voix. Pour la partie documentaire, les images de New York sont nombreuses (filmées avant septembre 2001, on y voit les tours sous toutes les coutures) et elles fournissent le cadre au meilleur moment du Dvd, un duo acoustique improvisé avec James Taylor dans Central Park pour une belle reprise de "Crying in the rain" des Everly Brothers, manière élégante de rendre hommage à la paire dont ils reprirent le flambeau à la mi-sixties (un James Taylor dont Art Garfunkel confie qu'il est depuis toujours une source d'inspiration vocale, au point d'en écouter une cassette avant chaque entrée en scène, ça alors). Le moment qui sauve et empêche à mi-parcours de piquer du nez.