Arto
Lindsay, le plasticien sonore aux nombreuses faces, l'Américain
iconoclaste préféré des Brésiliens,
fait partie de la fine fleur avant-gardiste depuis quarante ans, il
se livre ici treize ans après son dernier album
avec "Cuidado
madame"
une
sorte de carnet intime contemporain.
En
trente sept minutes bien condensées le chanteur ouvre beaucoup de
portes
:
sa voix trainante tantôt en brésilien tantôt en anglais, les
harmonies syncopées bossa, les glitchs,
les irruptions de guitares distordues, les boites à rythmes
jouées telles des percussions virevoltantes. Littéraire,
pictural, et pleinement provocateur, Lindsay convoque le bruit comme
sonorité maîtrisée et non expérimentale. Une ballade noise
douce
et pop qui provoque autant qu'elle apporte du réconfort. On l'attend
sans savoir où, mais toujours avec une confiance aveuglante
tellement il maitrise l'art de surprendre l'écoute.
Lindsay,
qui a toujours joué des contrastes et oppositions, invoquent le
naturel et l'artificiel, la subtilité des effets numériques et les
doux accords d‘une guitare. Il
emprunte à l'allégresse mélancolique souvent chère au répertoire
des chansons brésiliennes, les éléments naturels tels que les
oiseaux, la nuit, l'eau, les planètes, avec une langueur teintée de
noir. L’album s'enivre au fil des minutes, les 11 titres et
chansons se désintègrent ("Grain by grain") pour
s'alléger, sans perdre de pesanteur lancinante et âpre, comme dans
le magnifique clip de "Uncrossed".
L'attente
de la surprise s’aiguise titre après titre, et au delà des
artifices sonores de toute finesse d’Arto Lindsay, les mots
apportent une dimension intime et mystique appelant dans un cosmos de
plus en plus désordonné les planètes à danser.