Naggodabl

Audun Kleive - Generator X

par Hugo Catherine le 07/07/2004

Note: 7.0    

Audun Kleive, percussif bidouilleur-chercheur de son état, délivre un travail éminemment rythmique. Les peaux, les cymbales, les baguettes, les balais font corps avec le vaste tintamarre des loops, des samples, des additional programmings, des keyboards et autres potards à bidouilles. Une telle palette de sons rendrait fou le moindre batteur-percussionniste, mais le défi d'en extirper un album et d'y injecter une âme est immense.

Les cinq joyeux drilles oeuvrant dans les soubassements de cette musique de bidules signalétiques ne délivrent jamais dès l'entame des morceaux les clés de leur sorcellerie spatiale. Bien au contraire, le plus grand soin est apporté à l'exposition rythmique sur laquelle viennent progressivement se greffer des signaux en tout genre : bips sidéraux, esquisses thématiques des claviers ou encore boucles de basse à timbres percutants. Chaque piste est ainsi faite qu'elle met à plat un process d'expérimentation qui prend toujours sa source dans la recherche rythmique. Au-delà de l'intérêt rythmique évident de cet album, nous expérimentons une musique qui se cherche, se compose au fur et à mesure et parvient systématiquement à nous délivrer des phases explosives et jouissives, véritables friandises sonores.

L'uniformité trompeuse de la terminologie habituellement employée – jazz électronique ou électro-jazz – dissimule des envolées au sein desquelles le moindre bidouillage peut engendrer des séquences aux styles variés : le premier morceau, "Genreactor", joue de bass-beats entraînants, de rythmes scindés et de nappages synthétiques qui menacent de se muter en un dub volontairement bancal et poussif ; la deuxième piste, "Exploded cod", hésite entre une drum'n'bass accélérée sur laquelle Squarepusher serait venu faire le bœuf, des clicks&cuts speedés d'un Aphex relooké et des accords réveillant des envies de jazz-rock fusionnant ; le troisième morceau, "Stumblin' at the Savoy", couvrant à lui seul plus du tiers du temps total de l'album, est à la frontière entre une démo batterie-bruitages au stade de chantier en jachère et une sorte de blues électronique envoûtant.

A première écoute, il y a lieu d'être pris de vitesse dans un mauvais rêve spatial. Mais les poussées rythmiques, dont les expulsions terminales peuvent paraître douloureuses, se raccrochent à des signaux sonores, comme autant de points de repère qui donnent des bribes mélodiques à un son oscillant entre robotique désarticulée et straight music. Les échos mélodieux de trompette en toute fin d'album libèrent une volupté qui contraste avec la constance technologique des appels interstellaires qui n'ont de cesse de fourmiller tout au long de notre trip : l'espoir d'une exultation mélodique après l'exploration rythmique ? A suivre.