Confield

Autechre

par Martin Dekeyser le 16/05/2001

Note: 8.0    

Le duo mancunien composé de Sean Booth et Rob Brown signe ici son sixième album (sans compter les deux "Peel sessions") en neuf ans de carrière, autant dire un exploit dans l'électro pointue qualifiée sommairement d' "intelligent". Nommés Autechre pour anagramme d'architecture dans un langage idiomatique qu'ils aiment couramment employer, ces défricheurs de sons font office de têtes de proue des musiques dites électroniques. Reprenant la démarche kraftwerkienne consistant à employer ces nouveaux instruments dans un contexte pop (on parlera de pop synthétique), ils s'en détachent néanmoins par une volonté plutôt d'aménagement de l'espace sonore. Ils ne nient absolument pas leurs racines faisant référence tantôt à l'ambient de Brian Eno, tantôt à la rythmique primitive du hip hop originel. Leur musique n'en demeure pas moins celle d'une âme machinique réveillant le cyborg du vingt-et-unième siècle qui sommeille en nous. D'où un sentiment schizophrénique à l'écoute de ces plages fondamentalement binaires et pourtant déconstruites à tout bout de champ, à géométrie variable. Compositions inorganiques dans lesquelles subsiste néanmoins la pulsation primitive, élaborations de nouvelles matrices rythmiques et mélodiques. La musique d'Autechre est faite de "layers", couches juxtaposées qui créent un emballage de l'espace vital particulier, un univers proprement analytique. Ici, les synapses souffrent, ne sachant plus à quelle grille de lecture se raccrocher. Une musique réflexive qui ne se laisse pas abuser comme fond sonore. Un manifeste pour une nouvelle esthétique. Ces deux musiciens font véritablement corps avec leurs machines. Et si la frontière entre nature et artifice n'existait pas ?