J.J. Cale

Bertrand Bouart

par Francois Branchon le 23/03/2022

Note: 9.0    

Quiconque ayant connu les années soixante-dix se souvient des disques de J.J. Cale, ces Lp pondus métronomiquement chaque année, d'une musique toujours égale, parfaitement nonchalante, presque voluptueuse, idéale pour atterrir en douceur à la fin des soirées enfumées, métaphore sonore parfaite du fauteuil à bascule sur le porche en bois.

Pour les terriens lambda, amateurs de musique compris, la carrière de J.J. Cale avait donc logiquement commencé en 1971 avec l'album "Naturally", pour suivre un chemin invariablement laid back, terme qui fut d'ailleurs inventé juste pour lui (les mauvaises langues parlant du même disque répliqué chaque année), avec tout de même quelques fulgurances ou traits de génie ("Cocaine" sur "Troubadour" 1976, "After midnight" sur "Naturally" 1971 ) et surtout un succès toujours plus grand.
L'histoire du bonhomme paraissait aussi lisse que sa musique, tout au plus savait-on qu'il vivait en Californie mais venait du Sud des États-Unis et qu'il avait un caractère de cochon (n'avait-il pas quitté la scène un soir à Paris parce qu'il "faisait trop froid" ?). On remarquait que ses disques était publiés par Shelter, un tout jeune label américain qui lancerait par la suite Tom Petty. On voyait bien également quelques noms connus au dos des pochettes mais on en concluait juste que le type avait dû se trouver au bon endroit au bon moment.

"What's this i hear ? The sound of Tulsa 1957-1961", une compilation publiée par les Anglais de Cherry Red en 2015 levait un petit voile sur une vie antérieure, avec six morceaux du Johnny Cale Quintette qu'on imaginait petit groupe local de jeunesse. C'est donc avec étonnement et grand intérêt que l'on découvre en détails, grâce à cette biographie au Mot et le Reste, l'étendue de la vie antérieure de J.J. Cale. Une vie en musique qui démarre à vingt ans en 1958, au fil de nombreux groupes, de fréquents aller-retours entre l'Oklahoma et la Californie, en compagnie de potes d'enfance musiciens qui deviendront eux aussi célèbres. Parmi eux, Delaney & Bonnie et Leon Russell, qui, première partie en 1969 de la tournée américaine de Blind Faith (super groupe d'Eric Clapton et Stevie Winwood), sont engagés par Clapton sur son premier album sous son nom ("Eric Clapton" 1970). Ils ont la bonne idée de lui faire enregistrer "After midnight", une chanson très ancienne de J.J. Cale, jamais encore publiée. Une idée qui génèrera de confortables royalties. Il l'enregistrera sa version sur "Naturally".

Remarquablement documenté, l'ouvrage de Bertrand Bouard part précisément de cette chanson, une composition très ancienne de Cale pour ouvrir son livre, qui n'est pas avare non plus d'informations étonnantes : qui se serait par exemple douté qu'un des premiers groupes résidents du Whisky A Go Go de Los Angeles en 1965 (quand y débutaient The Doors, Buffalo Springfield, The Byrds et tant d'autres) était le combo de J.J. Cale... Cette histoire passionnante, sorte de trou noir de l'histoire du rock, restait à écrire. C'est chose faite.