Six

Black Heart Procession

par Jérôme Florio le 17/12/2009

Note: 8.5    

Depuis une dizaine d'années, Pall Jenkins et Tobias Nathaniel se font un sang d'encre à l'ombre de Black Heart Procession. Leur nouveau disque, s'il ne change pas la donne, montre une belle maturité, à rapprocher parfois de Nick Cave & The Bad Seeds – un rock mûr, masculin et assez classe.

Avec un petit effort, on peut lire sur la pochette "six six six" : la référence religieuse est évidente, comme dans plusieurs des textes de Jenkins. A l'écoute cependant, aucun encombrement satanique, mais une noirceur qui dit la solitude, les coeurs dévastés et les dernières chances gaspillées. L'entrée en matière est on ne peut plus sérieuse ("When you finish me", autour d'un piano), puis une section rythmique fait son entrée et tire l'ensemble vers une énergie plus rock : "Wasteland", "Witching stone", "Rats", et plus loin "Suicide" sont compactes, ramassées et vont droit au but. Sans véritables refrains ni couplets, les chansons déroulent des trames répétitives, assez prenantes, qui mettent en lumière le talent narratif du duo et tiennent en haleine sur toute la longueur du disque.
Malgré une humeur de croque-morts, le son est paradoxalement assez chaud, organique : la basse et un orgue mènent le bal (des pendus) sur "Heaven and hell" ; une inflexion plus latino sur "All my steps" (contrebasses, guitare classique) rappelle que le groupe vient de San Diego ; arrangements de violons sur "Liar's ink". Nathaniel et Jenkins ne surjouent pas le raffinement, et posent avec discrétion une scie musicale sur le final "Iri Sulu". Les guitares électriques ne prennent les devants qu'épisodiquement, par exemple sur la rythmique insistante de "Forget my heart", titre enlevé qui ménage un relatif bol d'air à mi-chemin. Il faut bien cela pour encaisser "Drugs", balade funèbre au piano sur laquelle Jenkins chante "I took your poison / To see how you suffer" - un sens du sacrifice christique pour une histoire d'amour qui a mal tourné.

En fin de parcours, une guitare acoustique allège "Last chance", relecture de "Heaven and hell" qui apparaît plus tôt. Ciel ou enfer ? Une croix est à l'endroit, l'autre à l'envers, et au final on ne sait pas de quel côté penche la balance : une situation inconfortable pour Black Heart Procession, qui trouve son équilibre sur ce "Six" cohérent de bout en bout.



BLACK HEART PROCESSION Witching stone (Clip 2009)