Morceaux qui Tuent Buck em down Slave Act like u want it
Quand il s’agit de désigner l’album hip-hop
le plus accompli, le choix des fans se divise presque inévitablement entre "Enter the Wu-Tang (36 chambers)" et "Illmatic" (respectivement les premiers disques
du Wu-Tang et de Nas). Deux albums sortis en 1993/1994, au moment où le rap
new-yorkais entame son âge d’or et s’affirme face à son rival californien en étant
plus incisif et viscéral que jamais. Deux albums d’une perfection froide, des
œuvres à part entière plutôt que des compilations de morceaux. Deux albums dont
l’influence a engendré toute une série d’autres disques brillants et novateurs.
L’histoire a été moins généreuse avec "Enta da stage", sorti quelques jours avant "Enter the Wu-Tang", et
annonçant lui aussi la renaissance new-yorkaise qui allait ébranler la sphère
rap. Ce disque n’a en effet pas bénéficié du succès de ses cadets. Il demeure encore aujourd'hui sous-exposé même s'il a connu une certaine reconnaissance de la part de la critique spécialisée.
Collectif sorti des tréfonds de Brooklyn,
Black Moon se fait d’abord entendre avec le single "Who got da props ?", morceau
ultra efficace avec sa boucle jazzy minimaliste à souhait et le rap brute et simple
de Buckshot, principal mc du groupe. Sorti l’année suivante, "Enta da stage" est
du même bois : quatorze titres de rap hardcore dépouillés de toute fioriture.
DJ Evil Dee, le producteur, met sa musique à nu, ne gardant que des
basses vrombissantes ("Buck em down" et "I got cha opin" pour ne citer qu’eux), des
percussions sèches et des cuivres torturés ("Shit iz real") pour appuyer les
diatribes martiales de Buckshot (et de 5ft occasionnellement, le troisième membre
du groupe).
"Enta da stage", c’est du hip-hop réduit à
l’essentiel de sa substance. A une époque dominée par le G-Funk de Dr Dre, où le
rap s’embellit et approche un nouveau public grâce à une musique plus consensuelle,
Black Moon ramène à New-York un son cru et tapageur, celui de Run-DMC et du Boogie
Down Productions une décennie avant. Sauf que la production d’"Enta da stage" n’a
pas pris une ride. Et quelle claque ! Tout est excellent sur ce disque,
particulièrement "Act like u want it", "buck em down" et l’oppressant "Slave". On ne
se lasse jamais de ce rap belliqueux et audacieux, premier coup d’éclat de l’âge
d’or du rap hardcore dans la Grosse Pomme, avant le tsunami Wu-Tang.
Laissons
les amateurs s’extasier sur les hits de Tupac ou Snoop Dogg. Le meilleur de ces
années-là n’est pas à chercher sur les plages de Californie mais dans les
ruelles délabrées et meurtrières de la ville qui ne dort jamais.