The Blank generation - Blank tapes NYC 1975-1985

Bob Blank

par Jérôme Florio le 31/01/2010

Note: 7.5    

"Blank generation" compile dix grosses années de travail du producteur Bob Blank dans la "grosse pomme" : à partir du milieu des années 70, il a enregistré dans son studio Blank Tapes le son d'une scène new-yorkaise prise en flagrant délit d'échangisme et de fiesta – de la disco jusqu'à la house-music, en passant par le jazz et le rock arty "no wave".

Le jeune Bob débarque à New-York en 1973 comme guitariste de session ; bien vite il montre son propre studio indépendant, Blank Tapes, dont les tarifs abordables attirent aussi bien les jazzeux barrés (Sun Ra) que les fêtards des clubs disco ou les avant-gardistes intellos pré-punk (Lydia Lunch). Dans le feu de l'action, la mayonnaise prend, liée par une obsession rythmique qui vient notamment d'influences latines : Bob Blank va enquiller les succès, il agrandira son studio, sera nommé pour des Grammy Awards... pour aujourd'hui poursuivre une carrière curieuse dans les réinterprétations de musiques pour karaoké !...

C'est un lieu commun d'évoquer la nostalgie que suscite cette période ; toutefois, on ne peut pas dire que le passage du temps amène une béatification inconditionnelle de tout ce que présente "Blank generation". Il est vrai que le son qui s'est créé ici a eu une influence majeure sur les années 80 : par exemple, "Once you got me going" (Debby Blackwell) et "Itching for love" (Mikki) ont quelques années d'avance sur Soul II Soul (de Nellee Hooper) - on ne trouve pas que cela ait très bien vieilli, cette soul music qui sonne comme en plastique. On préfère la disco plus exotique de "Music trance" (Charanga 76), avec sa guitare dérivée de "Winter in America" (Gil Scott-Heron), son piano cubain et un chant en espagnol – un espèce de Yuri Buenaventura disco ; ou bien la plus crado "Over like a fat rat" de Fonda Rae. "Crystalized" (Milton Hamilton), le premier titre enregistré aux studios Blank Tapes, sonne comme "La croisière s'amuse"... L'apparition des maxi-singles pour les clubs rallonge les durées des pistes, par exemple l'insupportablement répétitif "I got a big bee" (Bumblebee Unlimited)."Blank generation" illustre aussi les débuts de la house music avec "Wax the van" (Lola, un des alias de Arthur Russell) dont la ligne de basse rappelle fortement celle de "Pump up the volume" (Marrs). Tous deux datent de 1987... lequel a influencé l'autre ? Rayon rock, "State of the heart" (The Necessaries, 1981) pompe intégralement le son froid et distordu de David Bowie pour "Ashes to ashes" (1980).

On trouve davantage d'intérêt aux artistes issus d'horizons moins attendus, qui montrent que Bob Blank ne faisait pas que débiter du son au kilomètre : le titre de Sun Ra ("Where pathways meet") est bien groovy mais un peu bodybuildé, comme passé par les chromes de Lalo Schifrin. Avec "A cruise to the moon", Lydia Lunch utilise un big-band dévié de sa route par une guitare en furie (cela rappelle Angelo Badalamenti, le compositeur des films David Lynch). L'électronique "Emile" (Aural Exciters, 1979) est étrange avec son matos analogique millésimé "Oxygène" de Jean-Michel Jarre et des choeurs angoissés que l'on pourrait retrouver dans la musique contemporaine.

L'effet d'accumulation ne suffit pas à imposer le son de Bob Blank comme vraiment personnel, à la différence de producteurs "stars" comme Nile Rodgers (Chic)... ou Gorgio Moroder ! On piochera dans ce patchwork à l'éclectisme réjouissant selon ses goûts et l'intérêt documentaire que l'on y porte.



CHARANGA 76 Music trance (Audio 1979)



SUN RA Where pathways meet (Audio)