Do you like rock music ?

British Sea Power

par Jérôme Florio le 11/02/2008

Note: 4.0    

Quand j'écoute British Sea Power (BSP), j'ai envie de déclarer la guerre à l'Allemagne. Cette paraphrase d'un fameux mot de Woody Allen convient à la musique du groupe de Brighton, prêts à invoquer l'esprit de la RAF dans une croisade contre le mal ("No Lucifer" : "Come on, Allons-y let's go / Can always just say no / To the anti-aircraft crew / The boys from the Hitler Youth"). A moins qu'ils ne soient nostalgiques de l'âge d'or de l'Angleterre maîtresse des mers ? Les BSP sont en tout cas moins finauds tactiquement que l'amiral Nelson : après plusieurs années à jouer les seconds couteaux, ils jettent toutes leurs forces dans la bataille, en jouant quitte ou double pour gagner le gros lot.

A l'écoute de "Do you like rock music ?", on se demande quelle est l'ambition réelle du disque. BSP a choisi de l'enregistrer au Canada, en compagnie de producteurs au centre de la scène actuelle (Silver Mount Zion, Wolf Parade…). L'emphase de "Waving flags" et de "No Lucifer" (les deux singles), avec leur overdose de violons et leurs mélodies grand format, démontre l'envie de jouer dans la cour des grands – Arcade Fire dont le plagiat est criant, Coldplay… avec peut-être l'espoir de capter une partie de leur public (d'autres ont flairé le filon, par exemple The Verve qui va se reformer). Les chansons confidentielles susurrées du bout des lèvres, c'est pas le genre de la maison : British Sea Power ne recule devant rien, surtout pas devant les tartines d'écho sur tous les instruments, qui transforment un 30 m2 en Stade de France (c'est pareil sur le dernier Kings Of Leon). On reçoit le disque comme un pavé dans la tronche : assommé par le son très dense, et sans l'avoir vu venir. Comme on est ratatiné par le choc, le groupe peut ensuite nous fourrer ce qu'il veut dans le crâne.

Pourtant, malgré son titre neu-neu et prétentieux (d'autres diront fier et orgueilleux), "Do you like rock music ?" n'est pas évident à saisir. Il reste peut-être quelque chose de la longue gestation du disque (quatre ans depuis "Open season"), et des nombreux studios par lesquels le groupe est passé : on a du mal à faire le point, avec l'impression d'avoir affaire à un groupe différent sur chaque chanson. Vocalement, Scott Wilkinson sonne très différemment entre "All in it" ou "We close our eyes" (sombre mantra, grandes orgues, sérieux papal) et les plus pop "No need to cry" (plus proche de Damon Albarn), "Convey Island". British Sea Power a beau allumer tous les étages de la fusée, ce déficit de personnalité que masque un enrobage impressionnant empêche de décoller avec eux.