Noites do norte ao vivo

Caetano Veloso

par Filipe Francisco Carreira le 15/02/2002

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Zera a reza
Noites do norte
Trem das cores


La sortie de ce live, enregistré l'été dernier entre São Paulo et Salvador (la ville) coïncide avec l'apparition du chanteur brésilien dans le film de Pedro Almodovar, "Parle avec elle", à quoi s'ajoute une série de concerts en Europe et notamment au Théâtre des Champs Élysées de Paris en juillet : à soixante ans, Caetano Veloso a une actualité plutôt chargée. En a-t-il jamais été autrement pour ce boulimique, à la fois poète, musicien et activiste politique ? Les trente-deux titres ici disponibles mélangent allègrement pop, rock, bossa nova et percussions africaines, preuve de sa générosité et de son éclectisme. Caetano Veloso ne fût-il pas dans les années soixante avec Gilberto Gil l'initiateur d'un mouvement, le tropicalisme, dont le mot d'ordre était le brassage ethnique et culturel ? Un mouvement dont le propos, sans concession à l'égard de la dictature militaire alors en place, valut la prison à ses responsables avant l'exil à Londres. "Haiti", sauvage et électrique, renoue avec cette dimension politique et dénonce les conditions de détention des prisonniers dans l'île des Caraïbes. Avant cela, "13 de maio" fait écho aux cris de joie envahissant la place Santo Amaro le 13 mai 1888 à l'annonce de l'abolition de l'esclavage au Brésil alors que "Noites do norte" souligne le rôle joué par ce trafic de "l'or noir" dans la construction d'un pays qu'il a contribué à peupler. Voix détachée et sensuelle pour un texte plein de poésie et de mystère et qui contraste avec la gravité du sujet : la chanson tire toute sa richesse de ce paradoxe, de cette douceur amère. La page historique et politique tournée, l'album, qui semble construit par thèmes, privilégie les moments d'intimité à l'image de "O ultimo romantico" qu'un public ravi reprend en chœur et en quasi intégralité. La même chose se produit durant "Trem das cores" où l'orchestre et Caetano Veloso lui-même iront jusqu'à s'effacer, laissant peu à peu le public s'accaparer une chanson qu'il consentira néanmoins à rendre à son auteur pour un ultime couplet, vulnérable et somptueux. Tout aussi délicieux, "Dom de iludir" et son apothéose en forme de percussions endiablées auxquelles succède la sobriété d'un battement de cœur, seul rythme d'un "Caminhos cruzados" au texte plein d'espoir : "Deixe esse novo amor chegar / mesmo que depois / seja imprediscinvel chorar" ("laisse ce nouvel amour entrer / Même si demain il sera pas super évident de ne pas pleurer"). Certes, "Rock'n'raul" ou "Gente" passent sans laisser de trace mais il y aurait mille choses à dire sur ce disque à la fois brut et sensuel, extraverti et secret, parfois superbe et parfois décevant mais toujours vivant. Mille choses à dire comme sur ce "Zera a reza" suave et hypnotique qui plonge l'auditeur dans une rêverie dont il voudrait ne jamais voir la fin.