| | | par Jérôme Florio le 24/05/2004
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| Les Call Me Loretta sont de jeunes Toulousains qui ne voient pas la vie en rose. Pas trace ici de la langueur du Midi, des couleurs échappées d'un western en Technicolor quand l'été bat son plein. Au contraire, l'univers du groupe emmené par Stéphanie C. (guitare, chant) et Sébastien P. (guitare) est monochrome, en noir et blanc charbonneux et gribouillé. Les guitares tracent des traits clairs bientôt recouverts par des ratures saturées, comme pour barbouiller une copie que l'on juge trop propre et présentable.
Trois accords tournent en bourrique, jusqu'à s'en rendre malade : leur succession débouche quasi invariablement sur un ras-le-bol, une frustration que le groupe cherche à évacuer en faisant davantage de bruit. Les chansons sont des petites structures anémiques (la faute aux anticorps paresseux ?), conscientes de leurs limites et qui peinent à les dépasser. La musique des Call Me Loretta dégage un sentiment d'impuissance, et de désenchantement. On va droit dans le mur, sans excitation particulière : une sorte de fatalisme, d'engourdissement généralisé que n'arrivent pas à ébranler de timides envies de révolte vite réprimées.
Au dos de leur premier disque, "Crosswind", un personnage porte une écharpe qui semble se refermer sur sa gorge comme des doigts assassins. Lillian Gish, une actrice célèbre du cinéma muet, est évoquée sur un titre de chanson (voire samplée, ce qui serait un comble !) - un temps où on pouvait s'éviter l'effort coûteux de parler. "I'm much more attractive when I'm drunk" : les mots sont vides de sens, rabâchés sans aucun plaisir (le sans-parole "I'm trying hard to listen", "Liar, liar, liar, tongue's on fire"). Le groupe touche ses limites du côté du chant, à la limite du juste et peu puissant. Au mieux, Stéphanie C. évoque une sensualité étouffée à la Kim Gordon sur "Lazy antibodies", portée par une basse Siouxsienne et un batteur, Matthieu L., qui fait du bon travail tout du long de l'album.
Call Me Loretta joue à un pile ou face lassant : pile tu gagnes, face je perds. "White noise lover" tourne longuement en rond sans trouver une porte de sortie vers un espace que l'on envie plus aéré, plus coloré. |
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