Glamoured

Cassandra Wilson

par Sophie Chambon le 28/02/2004

Note: 6.0    

Charmé, on ne peut que l'être par Cassandra Wilson, provocante, sensuelle, ensorcelante même. Mais une diablesse de cette trempe a-t-elle besoin de "poser" ainsi sur la pochette de son dernier album Blue Note (une des couvertures de Jazzmagazine consacrée à cette fille du "Deep south" ne la représentait-elle pas en Scarlett décolorée) ? La féline Cassandra n'évoque-t-elle pas aussi une autre icône sudiste du grand écran, la pulpeuse Ava Gardner, appelée en son temps "le plus bel animal du monde" ? Avec le titre "Glamoured" et les explications convenues sur l'origine surnaturelle, voire maléfique, de "l'enchantement", on en rajoute encore une couche pour satisfaire aux lois du marché et aux conventions du genre (les codes de représentation de la chanteuse de jazz, surutilisés depuis Diana Krall).

Ceci réglé, venons-en à la musique. Bien sûr qu'elle joue à merveille de sa voix très grave, sensuellement rauque, de son phrasé lascif et qu'elle est convaincante dans l'évocation de sa terre natale : la "new moon daughter" arrive à se placer "dans le nombril du soleil" en étirant, jusqu'au déplacement ses inflexions, parfois de façon légèrement affectée, ce qui lui vaut d'approcher alors Betty Carter ou Nina Simone. Mais dans cet album, les titres s'enchaînent sans trop de renouvellement sur fond de percussions et de guitares languides et tant pis si le guitariste Fabrizio Sotti est aussi son producteur. Commencer par une reprise du splendide "Fragile" de Sting était sans doute une erreur de répertoire. Rien de moins convaincant, de moins adapté à la diva du blues-folk-jazz, qui s'en sort mieux quand elle puise dans la grande tradition américaine avec le "Honey Bee" de Muddy Waters, le "Throw it away" (accompagné de la seule contrebasse) d'Abbey Lincoln. Et d'ailleurs elle arrive presque à nous convaincre quand elle s'essaie au "Vietnam Blues" de J.B. Lenoir dans "The soul of a man", le film de Wim Wenders.