| | | par Sophie Chambon le 21/11/2004
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| Le moins que l'on puisse dire c'est que Charlie Haden contrebassiste au son unique est un artiste éclectique et un militant de la planète jazz : découvert au temps révolutionnaire du free jazz et des protest songs des années soixante-dix, le chantre du Liberation Orchestra n'en finit pas d'aborder de nouveaux répertoires. Si son dernier "American dreams" illustrait le "great American song book", il s'attache à nouveau à d'autres "folklores". Avec "Nocturne" (Universal 2000), il revisitait déjà des ballades latino en bonne compagnie, avec le pianiste cubain Gonzalo Rubalcaba, le percussionniste Ignacio Berroa (également cubain, dix ans batteur chez Dizzy Gillespie) et le saxophoniste ténor Joe Lovano.
A mille lieues des brûlantes et "tristes" tropiques dont on nous rebat les oreilles par "fiestas de sud" interposées, Charlie Haden, tout en faisant découvrir un auteur-compositeur mexicain de boleros et canzones inconnu (Jose Sabre Marroquin), nettoie le répertoire de toutes les scories touristiques pour mettre en évidence la souplesse et le swing d'une musique qui n'est jamais aussi grande que quand elle est jouée en douceur. Un son délicat, délicieusement "rétro", (certains titres comme "Solamente una vez" ont été lancés par Sinatra ou Presley), une mélancolie subtile se dégagent de cette musique loin de toute incandescence, à découvrir "au-dessous du volcan". Et puis le toucher du pianiste cubain, Gonzalo Rubalcaba, arrangeur inspiré de la plupart des titres, est extraordinairement rond et doux. Il faudrait aussi rendre hommage à tout l'ensemble réuni selon différents formats (du duo au nonet), le batteur Ignacio Berroa, caressant sans appuyer, les saxophonistes Joe Lovano (ténor) et Miguel Zenon (alto), le trompettiste Michael Rodriguez, le flûtiste Oriente Lopez et les guitaristes Larry Koonse et Lionel Loueke.
Quand l'amour véritable d'une musique s'allie à une distance suffisante pour la rendre lisible aujourd'hui, on s'abandonne, définitivement conquis. On n'en attendait pas moins de l'ancien compagnon engagé aux côtés d'Ornette Coleman ou du Jarrett des bonnes années. |
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