Shadows in the rain (The string project)

Christof Lauer & Jens Thomas

par Sophie Chambon le 03/03/2002

Note: 9.0    

A quoi sert de reprendre des 'standards' de la musique rock, les chansons de Sting et de les arranger à grand renfort de cordes, de les souligner de la plainte d'un souffleur ? Le chanteur rauque de Police, bassiste, mais aussi ex-batteur a toujours voué un réel attachement au jazz et au blues, rappelez vous du délicat "Moon over Bourbon street" dans The Dream of the Blue Turtles, ou de "Sister Moon" dans Nothing like the Sun. Il a entretenu des relations très étroites avec des jazzmen comme Brandford Marsalis, ou Gil Evans dans son autre groupe The Blue Turtles. On saisit mieux alors tout l'intérêt de ce travail insolite et réciproque qui consiste à adapter ces mélodies en version jazz, comme si la musique originale était "dérangée". Pour celui qui connaît bien le répertoire de la star anglaise, ce disque s'avère une vraie surprise tant il faut parfois dresser l'oreille pour reconnaître les mélodies fredonnées et reprises en chœur en concert. A part le premier titre "Roxanne", repéré par la seule exposition du thème, les deux versions de "Synchronicity", "Every breath you take", "Shadows in the rain" plongent en terrain connu, mais pas toujours identifiable, au cœur d'une familière étrangeté…Thomas Jens au piano et le merveilleux Christof Lauer, omniprésent au ténor et au soprano, ainsi que le Cikada string quartet dans des arrangements bienvenus de Colins Towns sur "Russians" (déjà emprunté à Prokofiev) parviennent à nous faire entrer dans un autre univers, celui du jazz : douces modulations, irisations tendres, ou stridences plus dérangeantes, sans retrouver l'énergie ni la violence du rock avec la rythmique usuelle, mais en gardant souvent les intonations mélancoliques et obsédantes des thèmes de Sting. Les fans n'apprécieront peut-être pas autant que les jazzeux transformations audacieuses, et translations sans fin, mais l'expérience demeure intéressante. Il fallait oser. Et le résultat est plutôt réussi, ma foi.