Age of miracles

Chuck Prophet

par Jérôme Florio le 24/12/2004

Note: 8.0    

Chuck Prophet est dans le circuit depuis une vingtaine d'années, dont huit au sein des "cowboys psychédéliques" (comme il les définit lui-même) de Green On Red, séparés en 1992. Il y avait là plus qu'un simple hommage au "Blonde on blonde" de Bob Dylan : Prophet s'ébroue dans l'americana en toute liberté, et "Age of miracles", son septième disque en solo, montre que la versatilité peut être une qualité.

A l'instar du blanc-Beck de "Where it's at", ou de Gram Parsons envoyant "I can't dance" à la face des rednecks, Chuck Prophet déjoue tous les clichés et encanaille la country-folk : avec lui, la pedal-steel s'évade des concours de rodéo et va se promener à New-York, autant à son aise dans le Barrio que sur les "dirty boulevards" qu'a dépeints Lou Reed – un comble. Partisan du cross-over relax, Prophet assaisonne "Heavy duty" de riffs cradingues et d'une diction traînante à la coolitude toute urbaine ; de légers artifices de production hip-hop donnent à "Pin a rose on me" et "You did (Bomp Shooby Dooby Bomp)" la dégaine des Fun Lovin' Criminals, avec la touche chicano de la trompette de Jacob Valenzuela (Calexico).

Chuck Prophet est un sympathique poids-plume qui déroule son "Automatic blues" avec ironie, et sait se faire acerbe comme Randy Newman sur un "Smallest man in the world" traversé de brèves saillies de cordes. Le synthé Moog d'Eric Drew Feldman (Captain Beefheart, Pixies, PJ Harvey…) se fait menaçant sur le groove solide de "West Memphis moon", dans laquelle Prophet relate un macabre fait divers en se mettant dans la peau d'un adolescent meurtrier. Ce titre donne la clé de la pochette, qui montre une jeune fille gisant sur l'herbe : la soul d'"Age of miracles", avec sa guitare wah-wah, en sonne de manière encore plus grinçante. Pour faire passer la cigüe, "Just to see you smile" et la mélodie classiquement country de "You've got me where you want me" (avec la fidèle Stephanie Finch aux chœurs) sont saupoudrées de sucre pop.

On a récemment croisé Chuck Prophet sur "Not so much to be loved as to love" de Jonathan Richman : pas étonnant car au fond c'est un romantique, un chien fou que les histoires d'amour mènent par le bout du nez.