Soft spot

Clem Snide

par Jérôme Florio le 26/10/2003

Note: 8.0    

La pochette aux tons sépia de "Soft spot" donne à voir en son centre une rose épanouie. Enchâssée dans cet écrin hors du temps ("Forever, now and then", "Every moment"), elle exhale un parfum qui plonge l'auditeur dans une douce brume, qu'un geste de trop suffirait à transpercer : ne comptez pas sur Eef Barzelay (auteur et compositeur de toutes les chansons, guitariste et chanteur du groupe) pour entrer dans la compétition au bruit ambiant, occupé qu'il est à écouter son monde intérieur.

"A rose is a rose is a rose"... le célèbre vers de Gertrude Stein dit bien l'éternelle simplicité des thèmes abordés par Barzelay (l'amour, la solitude, le temps qui passe), mais aussi la difficulté à les saisir totalement : des couches de sons atmosphériques en arrière-plan - pedal-steel spectrales, subtiles distorsions de guitare - enveloppent le violon plaintif et les caresses des balais du batteur sur "Forever, now and then". Là, c'est à Lambchop que l'on pense, qui a aussi montré sur "Nixon" que l'on pouvait habiller le vague-à-l'âme d'atours soyeux, plus soul, de cuivres conquérants ("Happy birthday") ; ailleurs c'est le "River man" de Nick Drake qui irrigue la discrète crue de cordes ("Strong enough"). Et à poil, c'est bien aussi ("Fontanelle"). Cependant "All Green" fait beaucoup moins bouger les guibolles qu'Al Green, et par moments on aimerait bousculer cette mélancolie tout confort ("Close the door"), déranger l'ordonnancement trop net d'un album de photos jaunies ("Find love"). Mais Clem Snide est capable de tanguer davantage, quand la voix de Barzelay dérape en accents clairement sudistes ("Action").

Au final, "Soft spot" est un disque bien équilibré, également très beau quand il assume à fond son côté rétro, guitares fifties et country-music, à l'ambiance de bal triste ("There is nothing").