Les amateurs
éclairés des sixties françaises connaissent le nom de Clothilde,
partie prenante de l'aventure de la maison Vogue de Léon Cabat (se souvenir d'une des
compilations "Le printemps de Vogue" où figurait son titre
fétiche "Fallait pas écraser la queue du chat").
Rappelons que Vogue, contrairement à toutes les autres maisons de
disques françaises de l'explosion yéyé s'honorait de ne signer que
des artistes auteurs-compositeurs ou proposant des chansons
originales; pas de traductions de hits étrangers entre ces murs-là.
Deux écuries y cohabitaient, animées par des passionnés capables
de tout : celle de Jacques Wolfson (Jacques Dutronc, Françoise
Hardy, Zouzou, Benjamin, Cléo, Benjamin Fall...) et
celle de Christian Fechner, pas encore producteur de films et arrivé
de Toulouse avec son acolyte Germinal Tenas (avec qui il animait des
arbres de Noël de la ville rose en 1965). Un Fechner. qui comme
Wolfson a carte blanche du patron Léon, et va signer Antoine, Les
Problèmes, Karine, Stella, Jean-Bernard de Libreville, Sullivan
et... Clothilde.
Clothilde n'est
d'emblée pas la énième "nouvelle petite chanteuse" qui
fleurit sur les plateaux télé ânonnant son play back. Clothilde a
une allure, un look (à la Elsa Martinelli), un caractère bien
trempé. Sa carrière elle n'en a rien à faire, pour tout dire ça
l'emmerde, à commencer par la promo justement, qu'elle fait à
reculons, se trouvant ridicule en fringues mode. Et après deux EP,
elle va d'ailleurs tout balancer par dessus bord.
Germinal Tenas lui
écrit (avec l'arrangeur Jean-Michel Di Maria) tous ses textes, sarcastiques, bourrés d'humour noir ("La
queue du chat", "La vérité"...) et de double sens ("Saperlipopette"), lui taille sur
mesure un personnage décalé un rien anti-France Gall (qu'elle
parodiera sur la fin, même barrette de cheveux) et auquel son détachement amplifie encore le second degré.
Musicalement, Tenas
et Di Maria se lâchent, les arrangements foisonnent de cor de chasse, cloches
tubulaires, guitares fuzz, scies musicales, kazoo, orgue de Barbarie, un bric à brac foutraque et subtil à la fois,
ponctué du "hep!' signature, un joyeux capharnaüm qui anticipe
parfois - osons ! - le Kevin Ayers de "Joy of a toy".
Vogue était
décidément en 66/67 très au-dessus du lot, une avant-garde bien
mal reconnue, de Françoise Hardy à Jacques Dutronc, de Zouzou la
Nico française aux accents velvetiens d'Antoine ("Juste
quelques flocons qui tombent") de "La juxtaposition 210" de Jean-Bernard de Libreville à la prometteuse mais
éphémère et sabordée Clothilde.
Le label Born Bad en
propose ici l'intégrale : ses deux Ep, le single italien de la
"Queue du chat" ainsi qu'un inédit en compagnie des
Charlots.
CLOTHILDE Fallait pas écraser la queue du chat (TV 1967)
CLOTHILDE La vérité (Audio seul 1966)
CLOTHILDE 102 103 (TV France 1968 - Avec Les Charlots)