Les damnés d'après Luchino Visconti - Mise en scène Ivo van Hove

Comedie Francaise

par Francois Branchon le 25/09/2017

Note: 8.0    
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"Les damnés" ("La caduta degli Dei" 1969) fut avec "Ludwig" (tous deux avec le magnétique Helmut Berger) parmi les films les plus remuants de Luchino Visconti. L'action se passe à Berlin en 1933, au début de la montée d'Hitler, précisément au moment de l'incendie du Reichstag. Riches et grands industriels de l'acier, les Von Essenbeck doivent choisir entre résister ou collaborer. La famille va se déchirer.

Visconti, bien aidé par la propension naturelle de Berger à jouer les cinglés, avait réussi à la perfection sa transcription fascinante de l'amour du pouvoir, de l'argent, de l'envie de régner et de posséder, jusqu'à la folie et à n'importe quel prix, fut-ce le déchirement d'une famille, la trahison, le crime et la servitude à la dictature. Il y ajoutait son sens visuel de la décadence avec la mémorable scène d'orgie, préambule à la nuit des longs couteaux de juin 1934.

Dans le cadre de la Comédie Française, le metteur en scène danois Ivo van Hove adapte ici pour la scène non le film mais son scénario, et sa création fut présentée à Avignon, dans la cour d'honneur du Palais des Papes pour l'édition 2016 du festival. Ce DVD en est la captation.
Van Hove utilise pas mal et de manière originale la vidéo (caméra à l'épaule sur scène filmant les acteurs en gros plans et projection simultanée sur grand écran), créant un hybride plutôt efficace de cinéma et de théâtre.

Bien évidemment très différente du film, la pièce retrouve avec le comédien Christophe Montenez la force et l'esprit malade de Martin von Essenbeck, le fils de la famille et futur héritier - que jouait Berger chez Visconti - prêt à tout pour assouvir ses démons et que le troisième Reich fascine aussi par ses promesses de décadence et d'homosexualité refoulée. Les autres acteurs sont les grands noms du Français, Sylvia Bergé, Elsa Lepoivre (Molière de la meilleure comédienne pour le rôle), Denis Podalydès, Eric Génovèse, Didier Sandre et... Guillaume Gallienne dont la récurrente fausse ingénuité de se sentir grand parmi les grands et certaines poses - demi-fesse en bord de table et jambe tendue - prêtent parfois à sourire.

S'agissant de la Comédie Française et de la grande pompe automatique qu'on lui associe, on pouvait craindre une interprétation classique. Or il n'en est rien et il est plaisant de voir ces acteurs se laisser aller à virer trash. A Avignon les spectateurs du Palais des Papes étaient unanimes pour dire à la sortie en avoir pris plein la gueule. On veut bien les croire.



LES DAMNÉS (Extrait Avignon 2016)