1980-2000 (+ Live bonus)

Compilation

par Chtif le 27/01/2007

Note: 8.0    

A l'orée des années 80, tous les groupes injustement délabellisés par la vague new wave avaient leur Emmaüs parisien : 7, rue Pierre Sarrazin au bas de St Michel dans le 5ème arrondissement, le magasin New Rose (fondé par Patrick Mathé, le Saint-Bernard des rockeurs en détresse) s'est acharné à réunir le gratin déshérité de la décennie, offrant une seconde chance à ceux que plus personne ne voulait écouter. A commencer par les Saints de Chris Bailey, merveilleux précurseurs punks en panne de contrat depuis leur pourtant excellent "Prehistoric sounds". La machine est lancée : dix années durant, New Rose ne se contente plus de vendre des disques, il les fabrique. Les fringants vétérans (Bo Diddley, Calvin Russel, Charlie Feathers, Elliot Murphy...) s'en donnent à coeur joie aux côtés de petits jeunôts fraîchement dénichés par un Mathé globe-trotter et avisé, comme le Gun Club, The Apartments ou Giant Sand. En bref, tous ceux que les critiques portent aujourd'hui aux nues quant à l'époque ils ne juraient que par Sting ou Phil Collins.

New Rose recrute au feeling, sans prétention commerciale. Le seul bouche à oreille suffit à faire écouler les stocks (60 000 exemplaires pour le premier Gun Club tout de même). La réédition du coffret anniversaire "1980-2000" reflète l'esprit libre et communautaire de New Rose qui en fit l'un des plus importants labels indépendants. Les musiciens se croisent, jouent ensemble avec un plaisir évident, et tous les styles, de la country à la new wave s'entremêlent sans distinction : un condensé de rock en 85 morceaux. Nos chouchous sont là : les Cramps minaudent ("Can your pussy do the dog ?"), les Dead Kennedys coup de boulent ("Nazi punks fuck off"), Arthur Lee (Love) et Roky Erickson (13th Floor) ne sont pas encore totalement perchés, Johnny Thunders pas encore totalement mort.

Passées les valeurs sûres, on découvre de bien beaux ouvrages enfouis sous la pile qui ne demandaient qu'à retrouver la platine : les Lyres bien ancrés dans le garage psyché, le folk auto-bronzant de "Shed my skin" de Phil Gammage (ex-Certain General)... En 1980 comme en 2000, nombreux cherchaient dans le revival 60's ce petit caractère intemporel qui fait la nique aux crèmes anti-rides. C'est bien simple, les Blood on the Saddle qui "yipikaïent" avec délice sur "Abilene" ressemblent comme deux cordes de banjo à nos récents Kings of Leon. D'autres trouvent chez New Rose le refuge idéal pour leurs expérimentations modernes. Jello Biafra se fend ainsi d'un pamphlet rampant et horrifique aux antipodes de son répertoire punk usuel. Vingt-cinq ans après, la chanson ("The tazer") reste totalement d'actualité puisqu'elle dénonce l'arme à électrochocs en passe d'équiper nos polices nationales. A frémir bien fort entre deux Alien Sex Fiend.

Enfin, les plus aventureux trouveront de quoi satisfaire leur soif d'authentiques bizarreries, un chanteur tout bourré par ici (The Country Rockers), des paroles d'une naïveté surréaliste par là ("Et pendant toute la nuit on se réconcilie sur le canapé-lit..." - Lolitas). De quoi ouvrir la porte à bien des collectionneurs qui s'en iront farfouiller en quête des disques originaux.

Aux quatre volumes du coffret s'ajoute une compile live enregistrée lors des soirées anniversaires New Rose. Tout ça pour un prix riquiqui (moins de 18 euros...), franchement on aurait tort de se priver.