Art school dancing (The story of the Harvest label)

Compilation

par Francois Branchon le 22/09/1999

Note: 9.0    

En 1969, lorsque la queue de la comète psychédélique mue en rock progressif, l'underground anglais foisonne de groupes. L'industrie musicale, avertie des succès commerciaux possibles, s'organise et canalise le mouvement en créant des sous labels tout entier dévolus au genre. Philips crée Vertigo, Decca invente Nova et EMI lance le plus célèbre de tous, Harvest. Pépinière ouverte et accueillante, ne lésinant pas sur les moyens (tous les albums sortent en pochette double, désignés par des pointures, notamment Roger Dean créateur du logo jaune et vert), le label Harvest aura une politique artistique jubilatoire, facilitée par les rentrées d'argent faciles ("Ummagumma" de Pink Floyd dès 1969 et "In rock" de Deep Purple servant d'opulents robinets à livres sterling). Même si l'on sent, comme le remarque Pete Brown dans les notes de livret, l'influence du contrôle du 'bizness' dans la prédominance de la production au détriment de la spontanéité et de l'invention à partir de 1970, il reste quand même de cette aventure la trace d'une époque de liberté, de chance et de foisonnement inventif qu'on serait bien en peine de retrouver aujourd'hui, du moins dans les productions 'industrielles'. Symbole parfait, le cher Syd Barrett, présent ici avec "Love you" de son premier album "The madcap laughs" (qui aurait l'audace de produire aujourd'hui un tel album ?). Probablement pour des raisons contractuelles aucun morceau de Pink Floyd en revanche ne figure dans cette sélection, mais on retrouve Roger Waters dans ses délires expérimentaux avec Ron Geesin ("Our song" et ses divers bruits humains de l'album "Music from the body" en 1970). Quel plaisir surtout d'entendre Pete Brown et ses deux groupes, Battered Ornaments en 1969 ("Dark lady" aux tripes rhythm & blues) et Piblokto en 1970 ("Things may come and things may go, but art school dance goes on forever" donnant son titre à cette anthologie), Edgar Broughton (un secoué "American soldier" en 1969 au plus fort de la guerre du Viet-Nam) ou le Third Ear Band (le mystique "Druid one" aux ambiances de lente transe tribale, de leur premier album "Alchemy"). Présents aussi mais plus 'produits', l'ex Soft Machine Kevin Ayers au début de sa carrière solo ("Singing a song in the morning"), Deep Purple dans ses derniers retranchements rock psyché soft avant le hard ("Shield" de l'excellent deuxième album "Book of Taliesyn") ou Barclay James Harvest... Et des choses un peu plus tardives, les divers groupes de Jeff Lyne et Roy Wood (The Move en 1971, Electric Light Orchestra puis Wizard quand Roy Wood fâché avec Lyne quitte ELO) et deux curiosités qui n'ont jamais atteint les rives françaises, Babe Ruth, reprenant "King Kong" de Frank Zappa (1972) et un arrangement dispensable de "La danse du sabre" de Katchaturian par Spontaneous Combustion (1973). EMI ne devrait pas s'arrêter en si court chemin et rééditer dare dare et proprement le catalogue Harvest, une discographie originale, foisonnante et riche. Des plus connus Pete Brown (4 albums), Third Ear Band (4 albums), Edgar Boughton (6 albums) ou Kevin Ayers (8 albums) aux absents de cette compilation Greatest Show On Earth (2 albums), Michael Chapman (4 albums), Roy Harper (11 albums !) ou Quatermass (1 album, réédité par les italiens Akarma...), tous attendent leur sortie du purgatoire commercial. Un pan entier de l'histoire du rock anglais.