Eccentric soul : the Capsoul label (Johnson, Hawkins, Tatum & Durr, Marion Black, Kool Blues, Bill Moss, Four Mints, Ronnie Taylor, Elijah & the Ebonites, Capsoul Group)

Compilation

par Fabien Gabaig le 28/11/2013

Note: 7.5    
Morceaux qui Tuent
You can't blame me
Row my boat
You're my desire


En 2004, le label The Numero Group lance sa collection "Eccentric soul", une série de compilations consacrées à la réédition de disques de soul music tombés depuis longtemps dans l'oubli. Le concept est simple : plutôt que de piocher des morceaux à droite à gauche et sortir des compils sans vraie ligne directrice, chaque numéro de la série sera dédié à un label en particulier. "The Capsoul label" est le tout premier disque d'un catalogue qui en compte aujourd'hui plus de cinquante ; il séduira les passionnés de la soul mais ravira aussi les amateurs de ce qu'on pourrait appeler la petite histoire (le livret est très détaillé), les fans de Blaxploitation ou ceux qui ont un penchant bien marqué pour les losers magnifiques. Certains disquaires estiment que le catalogue Eccentric Soul est spécialisé dans l'anecdotique. Peut-être. Mais peut-être aussi faudrait-il le considérer comme un travail d'historiens – en l'occurrence du vaste univers de la soul et du rhythm & blues – et y voir le projet un peu fou d'archivistes passionnés avides de faire découvrir un patrimoine laissé à l'abandon, croupissant quelque part dans les caves et les greniers des États-Unis.

Situé géographiquement entre Stax et la Motown, Capsoul est un label de Columbus (Ohio). Il fut fondé en 1970 et périclita quelques saisons plus tard, dès 1973, envoyé par le fond suite à quelques erreurs stratégiques et plusieurs liasses de dettes. A son actif, une douzaine de 45 tours et juste un album. Pas de quoi fantasmer et pourtant, la compilation contient une vingtaine de titres, soit la quasi totalité de sa production éphémère. Une bonne partie de la compil ne laisse pas de souvenirs impérissables – des morceaux de bonne facture, sans plus – mais elle est déjà savoureuse. On relèvera essentiellement le jump rhythm & blues endiablé de Elijah & the Ebonites et quelques singles méritants comme "Go on fool" de Marion Black, dans des tonalités à la Johnny Ace, l'élégiaque "Without love" de Ronnie Taylor avec son lamento enivrant joué à l'orgue ou encore la ballade de Bill Moss, "Number one", à la bonne humeur contagieuse.

En fait, le disque décolle réellement avec le groupe phare de Capsoul, les Four Mints, un quatuor qui avait de quoi rivaliser avec les romantiques Delfonics de Philadelphie. Dans la catégorie aphrodisiaque, on peut se passer en boucle la petite merveille montée sur doo-wop qu'est "Row my boat" ou le sublime "You're my desire". Et du côté festif, "Too far gone", emmené par ses cuivres carillonnants et un choeur de falsetto, vaut aussi le détour. Mais le meilleur de la compil c'est peut-être encore "You can't blame me", à mettre à l'actif d'un autre quatuor sauvé des limbes (Johnson, Hawkins, Tatum & Durr). La chanson met en avant ce qui était la marque de fabrique du label, en tout cas un de ses principaux atouts : une section de cordes de grande qualité et des arrangements souvent somptueux. Cadencé par une ligne de basse proto-hip-hop, le morceau est sombre, complexe et totalement planant, une véritable perle – l'équivalent d'une virée downtown avec Pam Grier au volant. Vu que Pam ne prend plus d'auto-stoppeur depuis un bail, autant ne pas se faire prier et se caler sur son siège, côté passager.



JOHNSON, HAWKINS, TATUM & DURR You can't blame me (Audio seul)



© Kojo Kamau - Eh oui bébé, ils étaient sapés comme des dieux, c'était l'heure du bonbon à la menthe...
Eh oui bébé, ils étaient sapés comme des dieux, c'était l'heure du bonbon à la menthe...