Ed Sullivan's rock n' roll classics - Legends of soul

Compilation

par Francois Branchon le 30/11/1999

Note: 8.0    

Legends of soul - R & B greats (Marvin Gaye, James Brown, Stevie Wonder, Smokey Robinson, Ike & Tina Turner, The Temptations, Jackie Wilson, The 5th Dimension)

Profil caricatural d'Américain des fifties - morphologie de carnassier à sourire Gibbs -, érudition approximative et sens de l'humour consternant, le rusé Ed Sullivan a régné en maître sur les dimanche soirs de la CBS pendant près de 25 ans, son émission dominicale ayant été de 1947 à 1971, LE passage obligé de tous les artistes, américains puis internationaux, en quête de consécration aux États-Unis. Soumis dès les années cinquante à la loi de l'audience (la CBS a deux networks concurrents, ABC et NBC), Sullivan a quelques secrets de fabrique : la diversité (son plateau mélange acteurs, danseurs ou chanteurs, jazz, classique ou variétés, même Line Renaud y est passée, diversité on vous dit), il présente un vrai show (les émissions sont réalisées en direct, même si parfois les morceaux voire le chant sont en play-back) et il a surtout une recette pour durer : le pif de coller aux aspirations de la jeunesse américaine.

Ainsi, faisant fi des cabales, c'est lui qui en 1956 engage Elvis Presley pour trois émissions. La première suffira à déchaîner les foudres et les passions, les deux suivantes seront filmées "au-dessus" de la ceinture. Histoire d'importer la mania, il donne en 1964 une demi-heure d'émission aux Beatles pour leur première visite aux Usa. Bingo. Trois ans plus tard, toujours à l'affût de la tendance du moment, fut-elle hippie à cheveux longs et crasseux (suffit de se boucher le nez, d'ailleurs il ne serra jamais la main des "trop sales" Rolling Stones), il ouvre son show au rock psychédélique de la Côte Ouest (Doors, Jefferson Airplane, Janis Joplin, Byrds...), donnant aux mini-interviews d'après prestation des allures de rencontres de troisième type, genre Eisenhower au pays de l'acide.

Pour les mêmes raisons pragmatiques et programmatiques, il ouvrit très tôt son émission aux noirs (politiquement très incorrect), et fut à cet égard un des artisans du cross-over de ces artistes auprès du public blanc. Cette compilation est consacrée à leurs passages dans l'émission, entre 1962 et 1971, où jouant la mode, les décors des dernières années sont pétants de couleurs criardes supposés psychédéliques (remember Catherine Chaillet ?).

Le jeune Marvin Gaye, tout juste échappé de la batterie des Miracles, est encore svelte et très rhythm and blues, la croonerie soul sera pour plus tard. Il chante là "Take this heart of mine" son premier hit en solo de 1966. Deux ans plus tôt Little Stevie Wonder présentait le premier des siens ("Fingertips") et en 1968, devenu grand et plus "Little", il est encore debout derrière le micro, chanteur harmoniciste trépignant ("For once in my life"). The Temptations apparaissent malheureusement en play back ("I can't get next to you" 1969), tandis qu'en 1971 The 5th Dimension vire à la variété soul ("Up, up and away").

Smokey Robinson dont Dylan disait alors qu'il était le plus grand poète vivant, chante live et merveilleusement bien "I second that emotion" (1968) tandis que découvrir les rares images de Jackie Wilson ("Lonely teardrops" 1962) est un plaisir. Étonnante présence scénique, tendre et émouvant, on savait Jackie Wilson "déclic" de Van Morrison, on comprend un peu mieux pourquoi. La Ike & Tina Turner Revue était particulièrement au point, pleine de groove, de puissance et de finesse, ses danseuses efficaces et Tina éruptive à souhait, même si le renouvellement n'était pas son fort : "Bold soul sister" (1968) et "Proud Mary" (1970) ont les mêmes intro et mise en place, mais Dieu que ça tourne ! Enfin, images cultes, James Brown a fait sa première télé grand public en 1966 chez Sullivan, autant dire qu'il avait mis le paquet. Et le blanc n'avait pas été pingre avec le gamin du Sud : mise en scène romaine, les Famous Flames au grand complet en costard bleu pétant, les trois choristes hommes à la chorégraphie impayable, le coup du serviteur à la cape, tout y est, et James sur son podium, quelques crans encore au-dessus, jeux de jambes délirant, chant époustouflant, à regarder en boucle.

A noter deux menus qui permettent de sélectionner les six extraits "soul" et les cinq "rhythm and blues".