Everything you always wanted to know about Twisted Nerve

Compilation

par Vincent Théval le 11/03/2002

Note: 3.0    
Morceaux qui Tuent
Montevideo (par Alfie)
You make no bones (par Alfie)


On se rêve journaliste rock. Vivre de sa plume vengeresse et altière, découvrir les prochains Radiohead, ne jamais douter qu'on réussira à imposer Hefner comme groupe majeur de notre époque, vomir un litre de bière tiède avec des roadies en short à la sortie d'un concert des Hives, deviser sans fin sur le cinéma de Kenneth Anger avec Mark Eitzel, jouer au foot le dimanche matin avec les gars de Magic! Une vie gorgée de chansons de Weezer et d'interviews d'Elvis Costello. Las, c'est oublier un peu vite cette partie non négligeable du travail qui consiste à écouter de bout en bout la compilation du label Twisted Nerve. L'inénarrable Damon Gough (alias Badly Drawn Boy) et Andy Votel sont à la tête de ce jeune label anglais. Avec un peu d'imagination, on dégage de ces morceaux une ligne bricolo-pop volontiers électronique, en tout cas ouvertement minimaliste. Le disque s'ouvre sur le tout premier enregistrement de Badly Drawn Boy, qui n'a pas d'autre intérêt que d'être le tout premier. C'est un peu court. Heureusement, notre bonnet humain préféré revient plus loin avec une petite chose qui inspire beaucoup de sympathie: "Celebrate" est un vibrant hommage aux Beach Boys vraisemblablement enregistré dans une cuisine (voire une kitchenette). Comme quoi un bonnet, un bontempi, une kitchenette et un sens de la mélodie affiné peuvent suffire à notre bonheur. Andy Votel signe d'étranges instrumentaux, harmonieux mélange entre électronique et acoustique ("Diode") ou collage dadaïste aux déviances jazzy ("On dogs"). Pas de quoi s'abonner à la mailing-list, pas de quoi fouetter un e-mail. Le reste est à l'avenant, rarement haïssable mais jamais excitant. Soit le cauchemar du chroniqueur, pas assez énervé pour taper fort, juste anesthésié par ces jeunes gens : ceux qui ont avalé tout Warp pour n'en régurgiter que des banalités (Sirconical), ceux qui récitent leur petit post-rock illustré (DOT), ceux qui ont passé toutes leurs grandes vacances à Portishead (Mum & Dad). Déjà repéré sur quelque antenne radiophonique avisée, Alfie est la seule raison d'être valable de ce disque. Une mélodie délicate chantée d'une voix légèrement pincée, accompagnée d'un harmonica, d'une rafale de cordes et d'une rythmique dépouillée assurent à "You make no bones" le titre convoité de Morceau qui Tue. Encore un cran au dessus, "Montevideo" est une pure merveille, bossa chaloupée d'une mélancolie insondable. Une guitare sèche, quelques bidouillages électroniques, une section rythmique minimaliste, un refrain beau à pleurer : quatre minutes de bonheur et une compilation fade et ennuyeuse s'en trouve sauvée. C'est déjà énorme.