Les oiseaux de passage (Hommage à Georges Brassens)

Compilation

par Francois Branchon le 28/10/2001

Note: 5.0    

Georges Brassens possèdait un talent assez rare de dissimulation. La richesse 'particulière' des chansons ne relève pas des paroles (de la simple poésie classique, à métrique redoutable) ni de la musique (une trame sérieuse, sans fioriture mais basique) mais de la combinaison des deux, dans une manière assez incroyable de baguenauder vocalement au-dessus des temps, en avance, en retard, pendant que la main droite éxécute, imperturbable, une rythmique immuable, incroyablement efficace, assumant à elle seule le rôle d'un groupe entier. Brassens est le cerveau qui mène cette danse, intime et presque confinée, complexe, et ses chansons sorties de ce laboratoire singulier pâlissent, tombent en couilles, vidées. Cette compilation hommage au Georges fait peine à entendre car il ne reste rien de lui, on ne reconnait aucune chanson, aucun des groupes sollicités (les poulains divers et variés de l'écurie Universal) n'étant capable (qui le pourrait ?) de restituer son esprit. Certains jouent intelligemment une autre carte, la leur, prenant en main le texte et l'adaptant à leur théatre personnel : la respectable Juliette donne une version cabaret de "La complainte des filles de joie" (un peu bruyante cependant, manquent deux guitares saturées et c'est Janis Joplin en rut !), Noir Désir toujours parfait reprend ou plutôt 'arrange' "Le roi" et Tarmac, sous-division de Louise Attaque, s'approprie fort bien "La ballade des gens qui sont nés quelque part" (présent sur leur album perso). Mais que c'est triste Miossec accouchant d'une version désolée de "La non demande en mariage", dépouillée de toute sa radicalité bonhomme. D'autres, légitimés par une seule (éphémère ?) gloire médiatique n'auraient jamais dû figurer dans un tel hommage : l'asthmatique Kerenn Ann accouplée aux prétentieux Tanger ("Il n'y a pas d'amour heureux"), Yann Tiersen et Natacha Regnier ("Le parapluie") ou Saez ("La prière"). Echappant au n'importe quoi, Arthur H toujours entre clone de son père et Gainsbourg ("La fille à cent sous") et Lofofora ("Les passantes"). Mais surtout, cette compilation manque de culot, où sont ces chansons bien torchées qui bousculaient la bourgeoisie rance de notre pays, qui s'empressait en retour de les faire interdire ?? "La mauvaise réputation", "Les trompettes de la renommée", "Le gorille"... dérangeraient-elles toujours autant aujourd'hui les cadres politiquement corrects des majors compagnies ??