Un hommage à Polnareff (vol 1 et vol 2)

Compilation

par Francois Branchon le 01/07/1999

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Le roi des fourmis (Pulp)
Le bal des Laze (Pigalle)
Qui a tué grand-maman (Hervé Paul)


Il fut une fois la France des années soixante, dirigée par un général et fermée au monde extérieur. A côté de la nuée de chanteurs épiciers préposés aux traductions de hits anglo-saxons (Hallyday, Vartan, Anthony, Clo-Clo...), quelques uns surent émerger et exister au travers d'une création personnelle et talentueuse. Jacques Dutronc, Françoise Hardy et Michel Polnareff furent de ceux-ci, apportant les premiers vrais signes que les chanteurs français savaient dire autre chose que "Ah que" ! Polnareff connut une période de grâce de trois années, le temps d'une dizaine de Ep : textes fins ou drôles, sensibles, baroques, parfois à double sens, (in)volontairement ambigus ("Complainte à Michael", "Ballade pour toi", "Ta ta ta ta", "J'ai du chagrin Marie"..), musiques influencées par la pop du moment (Beatles, Kinks..). L'homme connut malheureusement une double évolution : la perte d'inspiration et la prise de tête. Conscient d'être atteint par la sécheresse créative persistante (son nouveau single est consternant) mais toujours violemment obsédé par son ego, il en est réduit à multiplier les artifices et les attitudes pour exister à tout prix : la grotesque interview en plein désert réalisée par Canal + ou les pitoyables charges contre le transparent Pascal Obispo qui aurait pris "SA" place. Cette idée de demander aux meilleurs de nos groupes (Pigalle, Louis Philippe, William Pears, Pascal Comelade, Jacno, Hervé Paul...) et à des étrangers de qualité (Marc Almond, Nick Cave, les Residents, Tuxedo Moon, Pulp...) de se choisir une reprise est un beau projet. Mais il a mis du temps à voir le jour. Enregistré sous l'égide de Bertrand Burgalat au cours de l'année 1993, il a dû patienter sur les étagères avant de surmonter tous les problèmes, particulièrement la susceptibilité juridique de Polnareff. Six ans plus tard, amputé de quelques perles (les Nits reprenant "Ta ta ta ta", Samy Birnbach s'attaquant à "Rosée d'amour..."), le voici enfin vivant ! Présenté en deux volumes (les "français" et les "autres"), l'hommage remet au goût du jour une partie fameuse de l'histoire pop de ce pays. Il comprend trente-quatre titres, certains repris deux fois ("Love me...", "La poupée qui fait non"...) voire trois ("Le bal des Laze" honoré par Pigalle, Louis Philippe et Pascal Comelade). On regrettera l'absence des chansons "troubles" ("Complainte à Michael", "Ballade pour toi", "Ta ta ta ta"..) comme celle des petits chefs d'œuvre "Mes regrets", "Y'a qu'un cheveu", "Le saule pleureur" ou "Dame, dame"... Mais il reste à entendre et plus d'une fois ces morceaux prouvent leur justesse et leur finesse d'écriture, leur aptitude à l'arrangement et au détournement, en fait leur intemporalité. Parmi les préférés : une version chaise longue à voix fatiguée de "Qui a tué grand-maman" par Hervé Paul, une relecture punchy signée des William Pears de "L'amour avec toi", LE pavé dans la mare de la France bien pensante de 1966, la marque "authentique" de François Hadji-Lazzaro sur "Le bal des Laze" repris par Pigalle, Pulp. décoiffant (on est en 93 !) "Le roi des fourmis", déjà ultra-pop à sa création, Marc Almond respectant toutes les acrobaties vocales de "Âme câline", les ex-Tuxedo Moon Steven Brown et Blaine Raininger (le merveilleux "Sous quelle étoile suis-je né ?") et enfin les décalés, les Residents, Pascal Comelade, poète à tout faire transmutant "Le bal des Laze" en petit manège mécanique, ou quand le Grand Meaulnes désespéré d'origine rencontre la boite à musique de son enfance... Plus qu'une collection de "reprises", cet hommage à Michel Polnareff a deux atouts de taille : son fond et sa forme. En clair, des chansons de premier ordre et le choix de ne pas les "décalquer" mais de les faire voyager dans d'autres univers... (Volume 1 : les français - volume 2 : les autres)