Creekdippin' for the first time

Creekdippers (Mark Olson & Victoria Williams)

par Jérôme Florio le 16/04/2005

Note: 8.0    

Les artistes qui comme Mark Olson ont pris un virage aussi clair et sincère dans leur carrière ne sont pas légion. A la fin des années 80, à Minneapolis, il monte The Jayhawks avec Gary Louris : un groupe de "revival" folk-rock qui a manqué devenir énorme (un son rutilant à la Black Crowes, comme eux signés chez Def American Recordings, produits par George Drakoulias). Olson a clos sans douleur ce chapitre en 1995, après le succès de "Hollywood town hall" (1991), poussé par le désir de faire vivre par lui-même ses compositions, en adoptant un mode de vie "back to the roots" pleinement en accord avec ses principes.

Avec sa femme Victoria Williams (qui poursuit de son côté une carrière solo très respectée), Mark Olson s'est mis à l'écart dans une ferme du désert Mojave, en Californie : "Creekdippin' for the first time" est une collection des premiers enregistrements faits avec leur groupe commun The Creekdippers. Trop habitués que nous sommes à louvoyer entre la hype du moment et les plans marketing savamment orchestrés, on peut d'abord être surpris, voire ennuyé, par l'apparent manque d'enjeu qui règne ici : mais peu à peu, sans tapage, "Creekdippin' for the first time" s'incruste, jusqu'à prendre un air d'évidence qui fait paraître le reste comme froidement calculateur et ridicule dans les intentions. Olson et Williams nous montrent avec une grande simplicité que faire de la musique s'inscrit dans le cours naturel de leur vie, c'est une occupation quotidienne pas plus ni moins importante que ce dont parlent leurs chansons : une impression fugace que l'on a eue dans la journée, le passage des saisons ("Sunny western winter"), les souvenirs d'enfance ("Custom Detroit railroad"), les serments de fidélité ("Give my heart to you"). Des instantanés d'une grande spontanéité où il est souvent question des "premières fois" : on sent dans ces enregistrements à la beauté tremblée ("Eyes are the window", la superbe "Pacific coast rambler") un équilibre précieux et fragile que les musiciens chérissent avec la plus grande attention, pour ne pas qu'il leur échappe.

Fortement imprégnée d'une tradition country-folk dans laquelle elle puise ses forces, cette démarche n'est pas pour autant réactionnaire : c'est l'esprit de communauté cher à la Carter Family qui anime Mark Olson et les siens. Les Creekidppers semblent redécouvrir, et nous avec, la fraîcheur et l'harmonie, l'éthique même, que véhiculent les enregistrements de la célèbre famille des Appalaches.