Mali music

Damon Albarn & Friends

par Francois Branchon le 19/04/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Makelekele
Sunset coming on


Bien peu de musiciens finalement (à fortiori chez les 'pop stars') peuvent se targuer de l'itinéraire artistique de Damon Albarn, sur l'espace d'une décade. Depuis l'adolescence à Colchester et une pop en descendance directe des Kinks et des Specials ("Modern life is rubbish" et "Parklife" les premiers Blur), à la plongée deux années plus tard dans des univers sous influences Pavement/Sonic Youth ("Blur" et "13") que déjà le carcan marketing d'une carrière calibrée - "un album tous les deux ans"- est un carcan trop rigide pour le touche-à-tout impatient. Après deux collaborations à des musiques de films de Michael Nyman (compositeur majeur de Peter Greenaway), il adopte le profil cartoon de Gorillaz en s'associant au groupe de hip-hop ouest londonien. "Gorillaz" n'était certes pas le meilleur album de l'année 2001 mais à coup sûr un disque malin, divisant accessoirement l'opinion sur son compte comme jamais Damon Albarn ne l'avait fait jusque là. Alors gageons que ceux qui n'aimaient pas Gorillaz n'aimeront pas plus "Mali music", bébé d'un voyage en Afrique à l'été 2000.

Albarn se ballade pendant huit jours au Mali, un pays aux riches traditions, qui a déjà donné dans l'expérience métissée (l'extraordinaire "Talking Tombuktu", rencontre de Ali Farka Toure avec l'américain Ry Cooder). Curieux non content d'écouter, Albarn tient à participer, sort de la poche son vieux mélodica en plastique, s'immisce auprès de tout ce qui ressemble à un musicien et enregistre le tout. Quarante heures de bandes, ramenées à Londres et données en pâture à son ordinateur, pour échantillonner, mettre en boucle, dubber. "Mali music" regorge de belle musique, jouée par de grands musiciens, la kora de Toumani Diabate , le chant du griot Kasse Mady... Tous ont impressionné Albarn qui, même se sentant très 'amateur', ne s'est pas dégonflé et a jammé avec eux.

Après traitement, la musique est très ambient, une version world et chilled out de Gorillaz en quelque sorte, parfaite pour accompagner le film du voyage. La beauté naturelle d'instruments africains comme la kora et le ballafon illumine "4am at Toumani's" ou "Griot village". Des prises supplémentaires ont été aussi ajoutées au Mali même par le chanteur Afel Bocoum (second guitariste de Ali Farka Toure). Mais tout n'est pas ambient, l'exubérant "Makelekele" conviendrait bien à l'Afro Celt Sound System (sacrée fête semble-t-il le jour de l'enregistrement au village de Kela !). Un autre, "Sunset coming on", ferait pâlir de jalousie Peter Gabriel ou Paul Simon, atteignant ce que Geoffrey Oryema réussissait à la perfection à ses débuts, l'Afrique dans le prisme d'une pop song. Les musiciens, de rock en particulier, savent en général (très bien) faire une seule chose et la font pendant le restant de leur vie (Oasis ?). Damon Albarn préfère le risque et la remise en cause. Selon qu'on aime le bonhomme ou pas, on considérera cet album comme relevant d'une démarche narcissique et auto indulgente, ou au contraire comme prolongeant celle, intelligente, d'un Ry Cooder. Écouter "Mali music" m'a fait pencher vers la deuxième option.