Eros et Thanatos

Daniel Casimir

par Sophie Chambon le 23/04/2004

Note: 8.0    

Un projet qui aura pris tout son temps pour aboutir mais qui révèle un compositeur-arrangeur talentueux, le tromboniste Daniel Casimir, que l'on connaissait surtout comme excellent sideman, membre du défunt Groove Gang de Julien Lourau, très investi dans le Wonder Brass Factory, ou le Thuillier Brass Trio, soliste dans l'extraordinaire Andy Emler Megaoctet.

Ce répertoire de quatorze compositions originales, composé pour un quatuor à cordes et un sextet de jazz, est né d'une expérience collective vécue lors d'une résidence de trois ans en Haute Saône.

Rares sont les improvisateurs qui n'ont désiré s'offrir pour toile de fond tout l'écrin des cordes, velours sur lequel il est précisément si doux de jouer. N'était ce pas là pour Daniel Casimir une occasion unique d‘assouvir un fantasme qui sous-tend le travail de beaucoup de virtuoses de la "composition spontanée" ? On se souvient de la fantaisie concrétisée en 2002 pour les contrebassistes Charlie Haden et Henri Texier de jouer avec un grand ensemble de cordes et de revenir ainsi à certains disques mythiques du jazz classique .

Plus que d'un orchestre de jazz, il s'agit avec "Eros et Thanatos" d'entendre un véritable jazz de chambre.

Daniel Casimir a intégré les références "classiques" du Quatuor Ebene en les associant à celles de son Jazz ensemble : pour les arrangements, les quatuors de Beethoven et la polyphonie de Bach semblent des influences majeures pour quelqu'un qui a grandi en Allemagne, avec aussi quelques réminiscences de Bartok.

Sans batterie et sans piano, la musique se situe dans un tout autre environnement. Si les cordes semblent l'emporter à la première écoute dans les alliages sonores de couleurs et de timbres, on se rend vite compte qu'en fait les jazzeux sont formidablement en place et savent rendre tout leur éclat à la partition : le trombone se manifeste toujours avec à propos, la trompette de Nicolas Genest virevolte avec élégance, la guitare de Michael Felderbaum se glisse finement, François Moutin nous régale de sa présence dans "Till the thrill". Et comment ne pas être sensible aux interventions toujours de bon goût du plus éclectique des violoncellistes français Vincent Courtois, comme dans ce "Train of thought" mémorable ?

Tirons enfin notre révérence au label indépendant jaune "canari" Yolk, dont le visuel, simple, était très identifiable au début : pochettes cartonnées, photos noir et blanc, bandeaux orange pour le nom des groupes et les titres des albums. Yolk a évolué, a éclos aussi à Tours et s'est même délocalisé à Montreuil. Encourageant de suivre, à notre époque souvent trop sectaire, un projet attachant qui essaie de réunir ce qui est trop souvent jugé irréconciliable.