"Pas
de dense" tel est le titre des douze séquences de pur jazz,
entièrement libre, numérotées ainsi par le trio HCM
(Humair-Chevillon-Malaby).
Le
batteur Daniel Humair est friand de ces rencontres, qu’il
multiplie, après les albums HLP (Humair-Louiss-Ponty) des années
soixante, le triple (fait unique) Cd Sketch en 2000 de HUM
(Humair-Urtreger-Michelot) fêtant les retrouvailles du trio tous les
vingt ans. C’est que Daniel Humair aime le jeu en "liberté
surveillée" (encore un album du regretté Sketch en 2001 cette
fois, avec déjà Chevillon, Ducret et au ténor Ellery Eskelin) :
il est l’un de ces musiciens rares, lyriques et rigoureux à la
fois, toujours épris et traversé par le désir de musique, en
recherche permanente. Il symbolise l’aventure improvisée du jazz
(français) et s’inscrit à ce titre dans toutes les tentatives,
s’entourant de jeunes et les "engageant" dans un nouvel
album dès que possible (le dynamique groupe Baby Boom, le
guitariste Jean Philippe Muvien, ou le pianiste Gabriel Zufferey).
Toujours
vif et résolu, incontournable, c’est en habile forgeron des sons,
jouant des peaux, parfait soutien comme à l’accoutumée qu’il
retente un coup - et un coup gagnant - avec le contrebassiste Bruno
Chevillon qui s’est fait une spécialité de défricher les espaces
encore libres. A la recherche d’un horizon partagé, puisque tous
ces musiciens arpentent les mêmes rivages, ils ne dédaignent pas
de montrer une face plus américaine avec leur ami, le saxophoniste
ténor et soprano Tony Malaby.
Toutes
ces compositions instantanées durent moins d’une heure mais elles
nous en disent long sur la façon de jouer et improviser. Le texte de
pochette sonne vrai lui aussi, écrit par l’autre complice, fidèle
au long cours, Michel Portal qui aurait sans doute aimé être du
voyage. Quant à la couverture, elle se pare des formes et couleurs
du peintre Daniel Humair qui pratique cette forme artistique depuis
aussi longtemps que la musique.
L’art
du geste juste, le plaisir d’être là, bien vivant et de se
répondre, de dialoguer de concert : partage incessant, prise de
risques inhérents à l’exercice : des impromptus, des petites
pièces pas si faciles à faire et à suivre avec des moments
d’intense musicalité où le saxophoniste s’ajointe aux autres
sans couiner ou striduler : tous concourent alors à une phrase
musicale fluide, continue, paroxystique comme dans la ballade "Séquence hcm
5".
Une
technique élaborée pour un art du trio consommé. Ils ne cherchent
pas à séduire ou du moins très obliquement : frottements de
la basse, aigus en pizzicatos, cris et non chuchotements du ténor,
klaxons rauques et chant aigre du soprano. Un bel échange assurément
de musiciens qui n’ont plus rien à prouver mais cherchent toujours
à se mettre en danger, assumant tous les risques, au final mesurés,
car cet album s’écoute sans faiblir, de frissons en surprises, les
nerfs souvent à vif, d’exacerbations en découvertes, sans tomber
dans la facilité. 
Oui,
voilà qu’ils créent une nouvelle "Triple entente" à
leur façon fière, absolue, exigeante, et passionnée. Avec cet
album, on puise la fraicheur d’une musique désirante, sans
nostalgie, ouverte au monde actuel. Chapeau, Messieurs !