Rébétiko (La mauvaise herbe)

David Prudhomme

par Francois Branchon le 28/02/2010

Note: 10.0    

1922 n'est pas une date anodine en Grèce, elle marque la fin d'une guerre de trois ans contre les révolutionnaires turcs de l'Empire ottoman fermememt décidés à récupérer les territoires d'Anatolie et de Thrace Orientale accordés aux Grecs à la fin de la première guerre mondiale. Victoire sans bavure des Turcs menés par Mustafa Kemal, les Grecs installés dans ces régions sont priés de rentrer chez eux fissa.
Ils vont être plus d'un million à regagner un pays qui n'est plus le leur, immigrés dans leur propre pays. Ces "Micrasiates", mal accueillis, non désirés, vont vivre l'exclusion sociale, les sarcasmes, parfois le racisme. Ils apportent avec eux leur musique, le "Rebetiko" et leurs musiciens du soir, les "Rembétika".

Jouée au bouzouki, cette musique - parfois appelée le "blues grec" - a de très fortes influences musicales turques ("la musique de Smyrne"), raison supplémentaire de marginalisation dans une société grecque plutôt nationaliste et peu ouverte sur "l'autre", particulièrement pendant la dictature qui s'installe en 1931. Les textes parlent d'amour, de misère et de drogue. Il faudra attendre la fin de la deuxième guerre mondiale, après l'invasion allemande, pour voir la culture grecque faire une "union sacrée" et s'approprier le rebetiko, de même que le bouzouki, instrument qui passe du statut d'objet honni à symbole national (se souvenir de Mikis Theodorakis, qui pour le film anti-dictature "Z", composera en 1967 la musique depuis sa prison entièrement au bouzouki).

"La mauvaise herbe" de David Prudhomme retrace l'histoire de ces musiciens parias dans leur pays, chassés, traités comme des sous-hommes, avec tous les clichés habituels d'une socièté droitière prompte à se chercher des bouc-émissaires. Romancée, l'histoire captive. Silhouettes furtives, presque clandestines, le dessin est beau, plein de la fluidité de ceux qui se glissent incognito, comme en trompe-l'oeil, le bouzouki sous le bras. Récit dur mais visuellement doux, "La mauvaise herbe" témoigne d'une grande tendresse pour ses personnages. Les couleurs méditérannéeennes, les journées écrasées de soleil et la chaleur moite du soir, les concerts dans les bouges enfumés, les bastons et les beuveries, tout fait de ce roman graphique une réussite.



En 1983, le cinéaste grec Costas Ferris tourne l'histoire du Rebetiko pour la télévision :

BO de Rembetiko (1991)