Diana (Deluxe Edition)

Diana Ross

par Francois Branchon le 18/01/2004

Note: 6.0    

Un caprice de diva se dégonfle. Tous les amateurs de soul Motown connaissent cette histoire : 1980, une Diana Ross sur la voie du has-beenat fait le double pari de se refaire une santé et de confier le lifting à Chic (Bernard Edwards et Nile Rodgers), la paire de musiciens-producteurs remuante et douée qui secoue la musique noire américaine, mais que le business coté en bourse voit encore comme dangereusement underground. Ce qui devait arriver arriva, à la fin des sessions, une remarque anodine sur une prise - "il semblerait Diana que vous chantiez un peu en-dessous" - provoqua la furie de la poulette qui disparut huit semaines ruminer l'affront. Avec pour mission de redonner la place centrale à sa voix, elle fit confier les bandes à Russ Terrana, remixeur maison de la Motown qui suivait Diana Ross depuis 1966 et le temps des Supremes ("You keep me hangin' on" c'est lui). C'est ce remix de la dernière minute, balayant le travail de Chic qui sortit en 1980 (et se classa numéro 1 des charts soul).

Vingt-trois ans plus tard il est permis de comparer, grâce à cette édition qui enchaîne les deux mixes. L'argument officiel fut de dire à l'époque que Chic s'était servi de Ross pour se dorer l'image à bon compte, s'octroyer un statut sur son dos. Aujourd'hui il est difficile de juger ce contexte-là, Ross est musicalement morte et Chic aussi, mais la carrière postérieure des seconds parle pour eux. Du strict point de vue de l'écoute, la différence est saisissante, et il n'est pas sûr qu'elle soit à l'avantage de Ross. Elle ne comprit sans doute pas que l'approche de Chic la servait, la faisant sonner bien plus "naturelle" et "fraîche", et la Motown commit l'erreur de se plier à son caprice.

Le mix original est un festival d'instrumentation, de solos et riffs de guitares en avant, alignés à la voix, du grand Chic, à son sommet. Ross était jusque là vendue comme un After-Eight en écrin aseptisé, elle se retrouvait à aligner des brasses dans un chaudron funk, sous lequel chauffait une basse flamboyante, élégante et distinguée. Tous les morceaux l'affirment, "Friend to friend", "Have fun (again)", "Give up" et même "Tenderness", ou encore la fin de "Tenderness", très belle : que peut bien penser Russ Terrana, le préposé au gommage, quand il zigouille de l'extase ?

Ce volume très bien foutu de la collection Deluxe Edition d'Universal (avec un volume deux rempli de titres parus en maxi entre 1976 et 1979) rétablit l'histoire de cet album, et pour faire bonne justice devrait jusqu'à lui restituer son vrai nom : "Chic featuring Diana Ross". Il reste cependant très daté, et n'intéressera guère - hormis les esthètes Chicquiens - que les nostalgiques des soirées étudiantes des années 80 qui sautaient comme des niais sur "Upside down".