Solitaire

Doc Gynéco

par Alexandre Leroy le 27/10/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Pauvre de moi
Solitaire
Frotti-frotta


Pas facile de revenir comme ça. Pas facile de trouver son public : les amateurs de hip-hop ou les amateurs de variétés ? Pas facile d'être crédible quand on passe à la télé tous les vendredis soirs chez Fogiel, pas facile non plus de toucher le grand public avec une attitude désinvolte qui a tendance à irriter. Toutes ces questions, un artiste normal se les poserait, mais Doc Gynéco n'a jamais été un artiste conventionnel et cette nouvelle sortie nous le prouve, encore une fois ! C'est donc fort du semi-échec (semi-succès) de "Quality Street" (2001) que Bruno Beausir fait son retour musical. Pas de révolution dans le style, mais cet album est tout de même plus péchu que le précédent. Le rythme est là dès les premières mesures, avec "Flash" où Doc montre qu'il possède un flow dynamique et percutant, soutenu en cela par quelques gémissements de Lord Kossity et une production très moderne qui va même jusqu'à oser la guitare électrique (celle de Mathieu -"qui-n'a-pas-encore-joué-avec-moi?"-Chedid dit M). Beaucoup plus tranquille, "Pauvre de moi", véritable éloge de la simplicité, est lui plus conforme au style de Gynéco. On y retrouve tout ce qui fait du rappeur un vrai personnage : l'envie de ne pas se prendre la tête, de rester lui même et de se contenter de l'essentiel ('pourquoi maintenant j'aurais besoin de tout ça/ les Ferrari, - les gros bateaux etc...'). Viennent ensuite "Vaya con dios" et "Funky maxime", tout deux rythmés, le premier très latino, le second beaucoup plus funky, prétexte à un ego-trip 'j'suis trop fort et je serre trop de gonzesses' qu'il apprécie tout particulièrement. Le morceau "Solitaire", premier single, en compagnie de Daz Dillinger (rappeur de Los Angeles, membre du Dogg Pound Gang), se révèle beaucoup plus profond que prévu. Loin d'un délire festif, ce titre permet à Doc de s'exprimer sur l'inconfort de sa situation, déçu par son environnement musical, loin des grands idéaux avec lesquels il est entré dans le business. Mais la grande force de cette chanson, c'est la présence de Daz, qui ne semble pas comprendre les paroles en français de son hôte, et dont le couplet se résume à 'j'arrive de L.A. et je viens vous faire voir comment on fait pour s'amuser', excellente illustration de ce dont se lasse Bruno. Suivent deux morceaux ensoleillés, "Les censeurs" qui fustige, sur une salsa des Îles Vierges, le manque de variété dans notre vie de tous les jours (consommation, télé...) et "Frotti-frotta" (avec Stomy Bugsy), vrai morceau de zouk en créole. Malheureusement, l'excitation retombe vite avec "Etre aimé" dont la mièvrerie du texte et la pauvreté du beat n'a rien à envier aux chanson R'n'B américaines. Ce n'es pas non plus "Armagedon", avec un son/pale copie de ce que fait Timbaland qui va relever le niveau. Après le bon "West-Indies", Bruno lâche un "Quoi qu'ils pensent ou disent", très lourd, dont il a lui-même assuré la production (on sera donc indulgent avec les débutants). Le dernier morceau, "L'âge ingrat", qui comme son nom ne l'indique pas (c'est là tout l'intérêt), expose avec clairvoyance les problèmes de ceux qui ne veulent pas vieillir, à grand renforts de chirurgie, de prises de risques ou d'assiduité au travail, histoire de ne passer pour ce qu'ils sont. "Solitaire" est un album riche, complexe et paradoxal, à l'image de son auteur ! http://www.docgyneco.net/