Angleterre, mois de juillet dernier. Le
député travailliste Tom Watson dégaine son plus beau stylo et
envoie sa lettre de démission au leader du Labour Party. Motif : il
n'a pas envie d'être mêlé aux soupçons de fraude planant autour
des dernières élections. Vlan ! Et comme si ça suffisait pas, il
conseille à son patron de changer de disque et de se nettoyer les
tympans avec un groupe écossais, un truc qui s'appelle Drenge. Une
sortie rock'n'roll et plutôt cocasse. En tout cas depuis, pour
Drenge – un duo de frangins au langoureux patronyme de Loveless –,
c'est le buzz. Comme quoi la politique, ça mène à tout, et parfois
même au punk rock. Elémentaire mon cher Watson !
Sur ces entrefaites, plus besoin de
promo, leur premier album démarre sur les chapeaux de roue. Drenge,
à quoi ça ressemble ? Un brûlot de rock pur et dur qui envoie la
mitraille par paquet de douze. La déferlante électro ? Jamais
entendu parler. La musique faite par ordinateur ? Faut croire que la
cuite écossaise était trop sévère pour atteindre le laptop.
Certains ont écouté les guitares rageuses claquer des ruades sur
leur électrique "Nothing" alors on les compare de suite au
White Stripes – analogie facile et pourtant déplacée –, mais
les frères Loveless gardent la tête froide. On verra ça une autre
fois. Pour l'instant ils sont en tournée et enchaînent les sets.
Vingt ans et quelques, pas le temps de se tresser des lauriers. Ils
préfèrent chanter l'ennui, la dèche et les histoires d'amour
pourri. Tout un programme ! Peut-être même plus long et plus
consistant que celui du Labour. Qui sait, sur la planète rock, ça
leur vaudra peut-être un quinquennat ?
Par respect pour eux, et parce que
leurs morceaux ne durent guère plus de deux minutes, on va la faire
courte. Ouverture à la Jesus Lizard
("People in love make me feel yuck"),
un détournement narquois d'un standard de Willie Dixon ("I don't want to make love to you"),
quelques cachous et un final comme un rush de chien errant dans les
Highlands (le fabuleux "Let's pretend").
Pas de chichis, cet album a été réalisé dans la pure tradition
écossaise : méchamment tourbé, distillé deux fois. Quant à
l'avenir, on n'en sait rien, mais à écouter Eoin et Rory Loveless,
une chose est sûre : GRUNGE IS NOT DEAD !
DRENGE "Backwaters" (clip officiel)