Par tous les temps

Edouard Ferlet

par Sophie Chambon le 29/04/2004

Note: 8.0    

Le label Sketch aime la contrebasse….et le piano. Entre autres. Aussi ne sera-t-on pas vraiment étonné de découvrir chez eux, après Giovanni Mirabassi, René Urtreger, Mal Waldron, John Taylor, un nouvel album de piano solo consacré cette fois, au jeune Edouard Ferlet. S'il n'a pas encore la notoriété des précédents cités, "Par tous les temps" n'est pas son premier essai ! Il s'est fait remarquer dans les deux disques en trio de Jean-Philippe Viret, "Etant donnés" et "Considérations" ; et avant cela, dès la fin des années 90, il jouait déjà dans un groupe avec Mederic Collignon et Christophe Monniot.

Poétique et chantant, ce piano-là a un caractère affirmé, une sonorité personnelle sans influences trop ouvertement avouées : rigueur et enthousiasme, vélocité de la main gauche, belle indépendance des deux mains dans l'accompagnement, le développement de lignes mélodiques, tout en tensions-ruptures. Edouard Ferlet aime entrer dans la musique, explorer des univers imagés (allez voir sur son site nombre de musiques de films ou téléfilms qu'il a réalisés), sans être illustratif pour autant. Il cherche à se fixer une ligne directrice dans un temps d'éxécution libre… qui prend son temps parfois.

A la faveur de climats impressionnistes révélant des cieux irisés, pommelés ou crépusculaires, on peut passer de la "Valse à Satan" (jusqu'à mille !) à "Faire les doigts raides" qui révèle en ombre portée anagrammatiquement la déclinaison de son nom et prénom. Le pianiste va jusqu'à jouer avec les mots dans ses titres, avec adresse et justement sans raideur : "Capitaine Croché", "Anticontraire". Par tous les temps, composition qui joue sur différents rythmes figurant déjà dans "Etant donnés", est implicitement présente en citation filigranée dans "Illusion optique", encore un trait d'esprit, un véritable ping pong musical aussi car le pianiste s'est imposé une double contrainte : main gauche contre main droite, en do dièse mineur de surcroît. Par tous les temps se conjugue en onze compositions (et une plage cachée "Docile") délicates, plutôt brèves qui atteignent leur objectif : donner à entendre un piano subtil, jouissif et… intelligent.